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Jouer

Le match de ma vie (5): David Laqueille

Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez battu Roger Federer quand il était jeune ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).
Texte

Cinquième épisode : David Laqueille, qui se souvient avec émotion avoir battu Nicolas Mahut au milieu des années 90, et sur la surface favorite du futur numéro 1 mondial en double.

Identité : David Laqueille
Club : Saint-Barth Tennis
Meilleur classement : 15/3
Année de naissance : 1972

 

Quand et où a eu lieu le match de votre vie ?

C’était en 1994 au Tennis Express Angers, contre quelqu’un qui est devenu célèbre par la suite : Nicolas Mahut. Il avait 12 ans à l'époque, et moi 10 ans de plus. Le match m’avait déjà marqué sur le coup pour son intensité. Mais avec le temps, il a pris encore plus d’ampleur pour moi.

 

Car vous avez donc gagné ?

Oui, et en plus c’était sur gazon synthétique, donc une surface très rapide.

Citation
Quand j'ai vu Nicolas Mahut très triste après le match, je culpabilisais de l'avoir battu
Auteur
David Laqueille
Twitter quote
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Vous venez d’Angers tous les deux. On imagine que vous vous connaissiez ?

Bien sûr. J’ai des souvenirs précis de cette époque. On jouait tous les deux dans le même club. Ce match au Tennis Express est notre seule rencontre officielle. Ses parents étaient là. Les miens aussi. Nos familles se connaissent. C’était comme un petit derby. Il était plus jeune que moi mais il était déjà bien meilleur.

 

Vous avez 10 ans d’écart...

Au début, cette différence d’âge ne m’encourageait pas à jouer avec lui. Je jouais plutôt avec son grand-frère, Jean-Philippe. Nicolas était demandeur pour jouer avec nous. Mais nous, on l’encourageait plutôt à faire du mur... Jusqu’au jour où il s’est mis à vite et bien progresser. Puis, il est devenu plus fort que moi. Là, c’est lui qui n’était plus intéressé pour jouer avec moi.

 

C’est donc à peu près à ce moment-là que vous vous retrouvez face à face...

Au début, en toute logique, il domine largement le match. Il était 15/4 et moi 30. Je crois me souvenir qu’il a mené 6/0 5-1, et que je suis revenu ensuite.

 

Nous avons demandé au papa de Nicolas s’il se souvenait de ce match. Car il note tous les scores de son fils. Il aurait noté un autre score : 6/3 2/6 6/4.

Concernant le score, je suis assez sûr d’avoir perdu facilement le premier set et d’être revenu de très loin. Mes parents m’en parlent à chaque fois !

 

Mais le résultat est le même, vous avez gagné...

Oui et le troisième set était très tendu. Nicolas s’est énervé. Il a cassé un cordage. Je l’ai senti fébrile. Son jeu était déjà porté vers l’avant, il pouvait enchaîner service / volée : ce qui, sur gazon synthétique, est même plutôt conseillé. Mais dans le troisième set, il a fait beaucoup de fautes et a commencé à douter. Il voulait vraiment gagner et ça l’a rendu nerveux. La défaite l’a fait pleurer et il n’a pas voulu boire un verre avec mes parents et moi. Comme je le voyais très triste, je me suis mis à culpabiliser : ce match était peut-être un peu moins important pour moi que pour lui.

 

Vous rappelez-vous de points précis ? Comme c’était sur gazon, on imagine qu’il y a eu beaucoup de volées...

D’autant plus que j’ai moi-même un jeu d’attaque. On était tous les deux au filet en permanence. Je n’ai pas de souvenirs de points précis, mais je me souviens avoir pris beaucoup de plaisir. Je me souviens aussi que le match avait duré un peu plus de deux heures, et enfin de ce que j’ai ressenti après la balle de match. Sur le coup, comme je n’étais pas du tout favori, je n’ai pas réalisé. Il m’a fallu plusieurs secondes pour cela. Et j’ai le souvenir d’avoir été mené largement... Si ce n’était pas dans les deux premiers sets, c’était peut-être au troisième set ? 

 

Est-ce que vous imaginiez à l’époque que Nicolas Mahut allait gagner 4 titres ATP en simple et remporter tous les tournois du Grand Chelem en double ?

Personne ne le pensait, mais lui avait déjà des ambitions. Il y avait une grande compétition de jeunes quelques semaines après notre match et il lui manquait quelques victoires pour pouvoir y participer. Cette défaite contre moi l’a bloqué dans ces objectifs à court terme. C’est aussi pourquoi il était très déçu je pense. Surtout que le match suivant était cadeau : je jouais de nouveau contre un joueur encore mieux classé, qui a gagné le premier jeu, puis le deuxième, avant de malencontreusement marcher sur une balle pendant un échange. Résultat : double entorse. Il a abandonné à 2-0 pour lui. Le directeur du tournoi m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça ! Mon tournoi s’est arrêté au tour d’après : j’ai perdu 6/1 6/0 ou quelque chose comme ça, contre un joueur classé en deuxième série.

 

Vous avez toujours des contacts avec Nicolas ?

On correspond par SMS. Il me répond toujours très gentiment. Je ne veux pas l’embêter par téléphone. Parfois, j’ai l’occasion de le voir jouer. Je l’ai vu en 2013 au Vendespace pour le tournoi challenger de Mouilleron-Le-Captif. J’aurais peut-être l’occasion de le voir plus longuement quand il aura fini sa carrière. En tout cas, à chaque fois que je le vois à la télévision, je raconte ce match aux personnes qui sont avec moi.

 

Quand avez-vous commencé le tennis ?

Dans les années 70. C’était encore l’époque des raquettes en bois, mais j’ai commencé avec une raquette métallique.

 

Vous jouez toujours ?

Moins car je me suis blessé en jouant au football.

 

Quels sont vos joueurs préférés aujourd’hui... à part Mahut ?

J’aime les joueurs assez discrets et humbles. J’aime beaucoup le partenaire de Nico, Pierre-Hugues Herbert.

 

Propos recueillis par Julien Pichené

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