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Cécile Levasseur : ''Affronter des valides pour effacer les barrières''

Âgée de 43 ans, Cécile Levasseur (TC Mourenx) fait partie des meilleures joueuses tricolores de tennis-fauteuil. Interview.
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Cette ingénieure avait décidé début mars de participer aux phases qualificatives pour les championnats de France Tennis Entreprise de 3e division féminine, ce qui devait l’amener à affronter des adversaires valides. Une première en France provisoirement retardée... Échanges.

Quand avez-vous découvert le tennis ?

Je  jouais  au  tennis  en  valides.  J’ai  commencé  vers  6-7  ans,  jusqu’à  mon  accident,  survenu  alors que j’avais 30 ans. J’ai fait du loisir, de la semi-compétition, atteignant 15/5, mon meilleur classement. Mais le 11 janvier 2009, j’ai été victime d’une chute à skis, sur une piste rouge des Pyrénées,  entraînant  une  fracture  de  la  colonne  vertébrale,  des  dommages  à  la  moelle  épinière  ainsi qu’un traumatisme crânien. Du jour au lendemain,  je  me  suis  retrouvée  paraplégique  des  jambes  et  du  tronc  avec  9  mois  de  rééducation  à  l’hôpital  de  Garches.  J’ai  ensuite  repris  mon  boulot  d’ingénieur.  Mon  invalidité  ne  m’a  pas  empêchée  de  progresser  sur  le  plan  professionnel puisqu’aujourd’hui, je dirige une quarantaine de personnes (un laboratoire et le service logistique d’une usine de produits chimiques).

Après votre accident, vous avez rapidement repris le tennis ?

Oui,  après  2-3  mois  de  travail,  j’ai  eu  envie  de  refaire  du  sport.  J’ai  recommencé  à  travailler  en novembre 2009 et dès avril 2010, j’ai découvert  le  tennis-fauteuil.  À  l’époque,  je  ne  savais  même pas que cette discipline existait. C’est mon kiné  qui  m’en  a  parlé.  J’ai  tout  de  suite  apprécié. Pendant quelques mois, j’ai simplement joué avec une personne en fauteuil pour le plaisir, sans entraînement  particulier.  Avant  de  rejoindre  le  club d’Ossun, qui m’a prêté un fauteuil durant 3-4 ans. Je suis désormais licenciée au TC Mourenx. J’ai la chance que mon entreprise m’ait acheté un fauteuil, car le matériel coûte cher, et me sponsorise, ce qui m’aide à voyager.

L’adaptation au tennis-fauteuil semble s’être faite rapidement...

Disons  que  j’avais  les  gestes,  notamment  côté  coup droit. En revanche, je frappais mon revers à  deux  mains,  or  ce  geste  est  impossible  en  fauteuil.  J’ai  donc  dû  m’adapter.  Mais  le  plus compliqué  reste  le  déplacement,  il  faut  2-3  ans  pour  apprendre  à  bouger,  rouler,  ne  pas  trop  s’avancer  sur  le  court.  Mais  effectivement,  ma  progression  est  plutôt  positive  :  j’ai  commencé  par des petites compétitions en France, et maintenant  pendant  les  vacances,  je  participe  à  des  tournois  internationaux  (N.D.L.R. :  en  Israël, Espagne et Italie en 2018, en Russie en 2019). Je  suis  actuellement  6e  Française  et  115e  ITF,  après  être  montée  à  la  91e  place  mondiale  en  octobre 2018. Même s’il s’agit bien évidemment d’un loisir, car je dois gagner ma vie, impossible de tout abandonner pour le tennis-fauteuil.

Vous deviez jouer pour votre entreprise avec vos collègues valides, dans le cadre des phases qualificatives aux championnats de France Tennis Entreprise de 3e division féminine. Cela n’a pu se faire...

Oui.  Mon  coach  me  l’avait  proposé  car  c’est  complémentaire  avec  mon  entraînement,  et  ça  allait m’aider pour les compétitions en fauteuil. Malheureusement,  nos  adversaires  ont  déclaré forfait  pour  la  première  rencontre  programmée  début mars. Ce n’est que partie remise.

Affronter une valide, comment ça fonctionne ?

Quand  j’affronte  une  valide,  j’ai  droit  à  un  2e rebond si besoin, pas mon adversaire. Je pense que ma stratégie est de taper “comme une brute” (rires), de jouer les angles, les lignes, d’essayer de sortir mon adversaire du court en mettant de l’effet au service car sinon, je pense qu’avec mes difficultés  de  déplacement,  ce  sera  plus  délicat  dans  l’échange.  Même  si  souvent  les  valides  sont hyperstressés  en  début  de  match  car  ils  ne  veulent  pas  perdre.  À  l’entraînement,  je  joue  régulièrement  contre  des  valides  (je  suis  classée  40),  il  m’arrive  de  bien  résister.  Dans  ces  rencontres  par  équipes,  mon  objectif  sera  de  marquer  quelques  jeux. 

Affronter  des  valides,  c’est  positif,  car  ça  efface  les  barrières,  même  si  sur  le  plan  tennistique,  je  ne  peux  pas  rivaliser avec quelqu’un qui est debout. Néanmoins ça m’oblige à être rigoureuse et juste tactiquement. J’ai hâte.

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