Cécile Levasseur : ''Affronter des valides pour effacer les barrières''
Cette ingénieure avait décidé début mars de participer aux phases qualificatives pour les championnats de France Tennis Entreprise de 3e division féminine, ce qui devait l’amener à affronter des adversaires valides. Une première en France provisoirement retardée... Échanges.
Quand avez-vous découvert le tennis ?
Je jouais au tennis en valides. J’ai commencé vers 6-7 ans, jusqu’à mon accident, survenu alors que j’avais 30 ans. J’ai fait du loisir, de la semi-compétition, atteignant 15/5, mon meilleur classement. Mais le 11 janvier 2009, j’ai été victime d’une chute à skis, sur une piste rouge des Pyrénées, entraînant une fracture de la colonne vertébrale, des dommages à la moelle épinière ainsi qu’un traumatisme crânien. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée paraplégique des jambes et du tronc avec 9 mois de rééducation à l’hôpital de Garches. J’ai ensuite repris mon boulot d’ingénieur. Mon invalidité ne m’a pas empêchée de progresser sur le plan professionnel puisqu’aujourd’hui, je dirige une quarantaine de personnes (un laboratoire et le service logistique d’une usine de produits chimiques).
Après votre accident, vous avez rapidement repris le tennis ?
Oui, après 2-3 mois de travail, j’ai eu envie de refaire du sport. J’ai recommencé à travailler en novembre 2009 et dès avril 2010, j’ai découvert le tennis-fauteuil. À l’époque, je ne savais même pas que cette discipline existait. C’est mon kiné qui m’en a parlé. J’ai tout de suite apprécié. Pendant quelques mois, j’ai simplement joué avec une personne en fauteuil pour le plaisir, sans entraînement particulier. Avant de rejoindre le club d’Ossun, qui m’a prêté un fauteuil durant 3-4 ans. Je suis désormais licenciée au TC Mourenx. J’ai la chance que mon entreprise m’ait acheté un fauteuil, car le matériel coûte cher, et me sponsorise, ce qui m’aide à voyager.
L’adaptation au tennis-fauteuil semble s’être faite rapidement...
Disons que j’avais les gestes, notamment côté coup droit. En revanche, je frappais mon revers à deux mains, or ce geste est impossible en fauteuil. J’ai donc dû m’adapter. Mais le plus compliqué reste le déplacement, il faut 2-3 ans pour apprendre à bouger, rouler, ne pas trop s’avancer sur le court. Mais effectivement, ma progression est plutôt positive : j’ai commencé par des petites compétitions en France, et maintenant pendant les vacances, je participe à des tournois internationaux (N.D.L.R. : en Israël, Espagne et Italie en 2018, en Russie en 2019). Je suis actuellement 6e Française et 115e ITF, après être montée à la 91e place mondiale en octobre 2018. Même s’il s’agit bien évidemment d’un loisir, car je dois gagner ma vie, impossible de tout abandonner pour le tennis-fauteuil.
Vous deviez jouer pour votre entreprise avec vos collègues valides, dans le cadre des phases qualificatives aux championnats de France Tennis Entreprise de 3e division féminine. Cela n’a pu se faire...
Oui. Mon coach me l’avait proposé car c’est complémentaire avec mon entraînement, et ça allait m’aider pour les compétitions en fauteuil. Malheureusement, nos adversaires ont déclaré forfait pour la première rencontre programmée début mars. Ce n’est que partie remise.
Affronter une valide, comment ça fonctionne ?
Quand j’affronte une valide, j’ai droit à un 2e rebond si besoin, pas mon adversaire. Je pense que ma stratégie est de taper “comme une brute” (rires), de jouer les angles, les lignes, d’essayer de sortir mon adversaire du court en mettant de l’effet au service car sinon, je pense qu’avec mes difficultés de déplacement, ce sera plus délicat dans l’échange. Même si souvent les valides sont hyperstressés en début de match car ils ne veulent pas perdre. À l’entraînement, je joue régulièrement contre des valides (je suis classée 40), il m’arrive de bien résister. Dans ces rencontres par équipes, mon objectif sera de marquer quelques jeux.
Affronter des valides, c’est positif, car ça efface les barrières, même si sur le plan tennistique, je ne peux pas rivaliser avec quelqu’un qui est debout. Néanmoins ça m’oblige à être rigoureuse et juste tactiquement. J’ai hâte.