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Information Coronavirus

Laurence Dumery, présidente et soignante

Présidente du club des Ilets Montluçon (Ilets Sports Montluçonnais Tennis), cette infirmière anesthésiste âgée de 59 ans a vécu de l’intérieur cette crise sans précédent.
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Comment avez-vous vécu la crise du Coronavirus ?

Je suis infirmière anesthésiste au bloc opératoire à l’hôpital de Montluçon, donc dans une région plutôt épargnée, comparée à l’Ile-de-France ou à l’Est. Quand la crise a été annoncée, nous avons transformé la salle de réveil en réanimation complémentaire, afin d’avoir 6 lits supplémentaires pour juguler un afflux éventuel de patients, sachant que notre service de réanimation habituel compte 15 lits. Mais pour ces 6 lits, nous avons reçu du matériel de moins bonne qualité. Durant la première semaine, on a attendu quelque-chose d’exceptionnel et surtout d’inconnu, l’adrénaline est montée.

Ce saut dans l’inconnu s’est bien passé ?

On ne savait pas qui on allait recevoir et quelles étaient les précautions à prendre. C’était assez stressant. Heureusement, dans la région, nous n’avons pas eu de cas gravissime. Mais ensuite, nous avons pris en charge 9 Covid venus d’Ile-de-France et de Franche-Comté. Il s’agissait de patients dans une détresse terrible. A partir de ce moment-là, notre attente s’est transformée en action. Mais il a fallu apprendre à les prendre en charge, savoir comment s’habiller, se protéger. Pour cela, nous avons eu des entraînements. Soigner c’est notre quotidien, mais-là il fallait aussi se protéger, ce qui demande une concentration terrible. Car une fois sortis de l’hôpital, nous avons tous une famille, notre devoir est de la protéger d’une éventuelle contamination. Or on ne sait jamais si on est positif ou non vu qu’on côtoie des patients atteints du Covid. Le doute demeure.

Qu’est-ce qui vous a marquée durant cet épisode ?

Déjà, voir ces patients fortement atteints arriver en hélicoptère a été un premier choc. Mais surtout, une fois les patients les plus graves réveillés, on lit la détresse dans leur regard. Ils sont fatigués, hospitalisés loin de chez eux, leur santé connaît des hauts et des bas. Et puis, il n’y a ni traitement ni vaccin. Sur les 9 patients que nous avons soignés, il y a eu un décès. Et mi-mai, 2 étaient encore en soins chez nous. Les autres sont repartis dans leur région. L’une allait bien et nous a témoigné sa gratitude, même si en général ces patients gardent peu de souvenirs. On ressort forcément changée d’un tel épisode, en voyant leur détresse physiologique et morale. On se dit : « pourvu que je ne le contracte pas ! ». J’imagine ce qu’ont vécu mes collègues en Ile-de-France et dans le Grand Est, cet afflux permanent de malades, ce nombre de morts. Pour nous, ça été beaucoup plus gérable.

Quel est le profil des malades ?

Une chose ressortira de cette pandémie, ils étaient tous obèses avec des antécédents importants : souvent diabétiques et hypertendus. Il y avait aussi plus d’hommes que de femmes (7 contre 2), avec un âge moyen entre 65 et 75 ans.

Sur le plan tennistique, où en est votre club des Ilets Montluçon ?

En mars, nous avons fermé les installations comme tout le monde. Certains ont continué à venir un peu sur nos courts extérieurs, mais la mairie a réglé le problème en retirant les filets. Durant cette période, notre DE Sylvain Louton a gardé un contact avec nos jeunes sous forme de discussions et d’exercices ludiques en ligne (il avait mis un vélo à l’envers et proposait de travailler son lift en faisant tourner la roue avec sa raquette). Chaque lundi sur Facebook, il analyse aussi le profil d’un joueur de club. Une telle période permet également de remettre certaines choses à jour, d’avoir des contacts avec nos sponsors. Nous n’avons pas repris le 11 mai, mais le 18 car il fallait remettre nos installations (4 courts extérieurs et 2 couverts partagés avec les clubs voisins) en état.

Propos recueilli par B. Blanchet

Laurence Dumery au coeur de la crise sanitaire.
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