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Direction Technique Nationale

Le mot de la DTN : "L'entraînement physique, une continuité pour tous les âges"

De retour sur fft.fr après une pause pendant la crise sanitaire, la prise de parole mensuelle de la DTN évoque cette fois le chapitre du physique. Paul Quétin et Jean-Marc Duboscq, coordinateurs de l'entraînement physique au CNE et dans les territoires, nous détaillent le travail mis en place sur ce sujet.
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Pouvez-vous résumer vos missions au sein de la FFT et votre cursus ?

Jean-Marc Duboscq : J'ai deux missions essentielles, l'optimisation de la formation des 14 ans et moins garçons et 13 ans et moins et la coordination régionale avec les ligues et les territoires. J'ai aussi une troisième mission "transverse", celle de la formation des cadres techniques et enseignants professionnels de manière conjointe avec mes collègues du Centre National d'Entraînement (CNE) et notamment Paul, puisque nous avons une démarche commune, favorisant un  "continuum" de formation des plus jeunes vers le haut niveau seniors. Je suis professeur de sport, ancien CTR (Conseiller technique régional), ancien entraîneur national physique à la FFT, et je suis revenu au sein de la FFT après deux ans passés à la DRJSCS Occitanie comme adjoint au chef du pôle sport. Depuis le 31 décembre 2019, je suis "placé" auprès de la FFT sur un poste de Conseiller technique national avec les missions que je viens d'évoquer.

FFT / Corinne Dubreuil
Jean-Marc Duboscq aux côtés du DTN Pierre Cherret.
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Paul Quétin : Au départ je suis professeur d'éducation physique, professeur de sport et enseignant de tennis. Je suis rentré à la FFT en 1987. J'ai entraîné les jeunes de l'INSEP jusqu'en 1996. J'ai ensuite intégré le CNE. Je suis parti pendant trois ans exercer mes fonctions d'entraîneur physique au RC Strasbourg. Je suis de retour à la Fédération depuis 2001. Actuellement je suis en charge des deux équipes de France de Coupe Davis et de Fed Cup. Et je suis coordonnateur de l'entraînement physique au CNE, pour les jeunes joueurs et joueuses pensionnaires des lieux mais aussi pour quelques professionnels qui viennent s'entraîner. Ici les entraîneurs physiques sont placés sous la responsabilité des différents départements dans lesquels ils exercent. J'ai commencé à être en charge de la coordination physique en 1996, c'est Patrice Dominguez qui m'avait confié cette mission.

Jean-Marc Duboscq : D'un point de vue sémantique il est important de distinguer le coordonnateur du coordinateur. Le coordinateur a un lien de subordination moins élevé que le coordinnateur. Cela a son importance dans notre organisation.

FFT / Corinne Dubreuil
Figure de la DTN, Paul Quétin exerce ses services au sein des équipes de France.
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Quelles sont vos responsabilités ?

Paul Quétin : Je rends compte auprès du Directeur Technique National, Pierre Cherret. C'est lui qui propose et réajuste en permanence mes missions. A l'instar de Jean-Marc, nous sommes habitués à travailler avec tous les départements car notre mission est transversale entre les différentes catégories et concerne les garçons comme les filles.

Jean-Marc Duboscq : Je suis dans la même "lignée" que Paul, avec aussi, de manière très factuelle, un lien avec le département des territoires en ce qui me concerne et notamment Jean-François Bergeron. Sur la formation des plus jeunes, mon action est essentielle dans les territoires, pour les meilleurs jeunes mais aussi pour les encadrements.  

Paul Quétin : En plus du DTN, j'ai aussi deux relais importants qui sont les capitaines des équipes de France, Sébastien Grosjean et Julien Benneteau et je fonctionne en étroite relation avec Thierry Champion qui est le responsable du haut niveau et l'entraîneur des deux équipes. J'ajoute enfin qu'au niveau statutaire, je suis placé auprès de la Fédération de Tennis sur un contrat de "Préparation Olympique" avec le Ministère des Sports.

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Et quelles sont vos feuilles de route ?

Jean-Marc Duboscq : La volonté de Pierre (Cherret) est de mieux s'occuper aujourd'hui de nos jeunes joueuses et de nos jeunes joueurs dès le plus jeune âge. Il y a une intensification de la pratique plus précoce au regard du contexte international. Chez les filles, on constate que lorsqu'on a du retard a 10 ans, on en aura davantage à 12 ans puis à 14 ans. On ne récupère jamais le wagon.

L'idée est donc de s'occuper de la manière la plus cohérente possible de la formation de nos jeunes, de mettre en place des contenus physiques en lien avec l'exigence de l'activité, du jeu, mais également avec l'exigence liée à leur niveau de maturation. C'est-à-dire en fonction des grands stades de développement de l'enfant. Même si un enfant peut s'engager beaucoup dans la pratique du tennis, il faut tenir compte qu'il n'est pas un "adulte miniature". On ne peut pas entraîner un enfant de 10 ans comme on entraîne un jeune de 18 ans.

Ces contenus physiques cohérents doivent être harmonisés sur l'ensemble du territoire de manière à obtenir une direction technique par rapport aux orientations physiques choisies. L'idée est donc de créer un continuum de la formation des plus jeunes jusqu'aux seniors, en tenant compte de nombreux critères liés aux âges et aux personnalités. La performance est liée au physique, mais aussi à la physiologie, à la psychologie… Ce qu'il faut vraiment souligner dans la démarche mise en place, c'est que les entraîneurs nationaux du plus haut niveau seniors travaillent de concert, en harmonie avec les entraîneurs des jeunes, sur tout le territoire.

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Les entraîneurs nationaux du plus haut niveau seniors travaillent de concert avec les entraîneurs des jeunes sur tout le territoire
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Jean-Marc Duboscq
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Comment cela se traduit-il dans votre travail quotidien ?

Jean-Marc Duboscq : Nous nous appuyons sur une organisation très précise qui permet d'appréhender sur le territoire la politique fédérale. Nous avons des référents régionaux de l'entraînement physique. En 1999, Paul avait été à l'initiative de la mise en place de ces référents "physique" régionaux. Nous les réunissons en général tous les deux ans, mais cette année, ce sera en visio conférence pour des raisons évidentes. Nous avons aussi avec eux une action toutes les six semaines, là encore en visio conférence. C'est la partie "management".

Mon action personnelle dans les territoires est de m'y rendre régulièrement pour accompagner les projets forts auprès des jeunes (dans les ligues ou dans la structure de Poitiers pour les garçons) et de renforcer le lien sur la coordination de l'entraînement physique dans toute la France. Quelle que soit les singularités des ligues, il doit y avoir une action précise sur les contenus envisagés pour les plus jeunes catégories. C'est une action qui n'est pas née d'aujourd'hui, elle a été conduite par Paul notamment, pendant des années, mais Pierre Cherret a souhaité aujourd'hui la renforcer, compte tenu du contexte international.

Aujourd'hui Paul et l’équipe des entraîneurs nationaux nous "renvoient " l'existence du très haut niveau, et derrière nous constituons des contenus en fonction des grandes périodes de développement de l'enfant. Par exemple, chez les 7 ans et moins, nous sommes sur des contenus basés sur le développement moteur. A partir des 8-9 ans on commence à rentrer dans une logique d'entraînement physique mais la période grande période de travail se fait entre 8 et 12 ans.

On peut donc dire qu'il y a une véritable stratégie d'évaluation, de mise en place de contenus, d'accompagnement des cadres techniques et des entraîneurs de nos projets. J'insiste bien : tout le monde participe à ce travail, y compris les entraîneurs de haut niveau du CNE ou Alexandre Hidalgo au Pôle de Poitiers.

FFT / Philippe Montigny
Des contenus basés sur la motricité pour les 7 ans et moins.
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Paul, quelle est votre feuille de route au CNE ?

Paul Quétin : Ici il faut déjà signaler qu'on est privilégié de posséder ce superbe outil qu'est le Centre National d'Entraînement. Quand il a été imaginé, nous avons été associés à la conception de la salle et il correspond parfaitement à nos besoins. Ensuite nous avons désormais des jeunes joueuses et des jeunes joueurs qui intègrent le CNE dès l'âge de 14 ans. Cela oblige les entraîneurs physiques à une individualisation et une adaptation du travail en fonction du niveau de maturité des "sportifs" dont on a la charge

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L’objectif est donc d’accompagner les jeunes qui arrivent ici en formation jusqu'au début de leur carrière professionnelle en leur donnant toutes les armes physiques indispensables pour le plus haut niveau. Quand ensuite ils intègrent les tableaux des tournois du Grand Chelem, on considère que notre mission de formation est en partie remplie mais notre souhait est avant tout que le physique ne soit pas une limite pour pouvoir gagner des grands titres. Ensuite au niveau professionnel, la mission de la FFT devient plus délicate car l'exigence au très haut niveau augmente et le tennis est un sport itinérant. Si l'on veut travailler avec des joueurs de haut niveau seniors, on doit voyager avec eux, sur des longues tournées.

La FFT essaie au maximum d'aider les sélectionnés des équipes de France dans la préparation des grands événements mais ces joueurs et ces joueuses ont de plus en plus leur propre structure.

Ici nous sommes six entraîneurs physiques. On a beaucoup de chance par rapport à d'autres fédérations. C'est un véritable atout.

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La FFT s'est montrée novatrice, en termes d'équipement, de fonctionnement. Mais nous devons nous remettre en question en permanence.
Auteur
Paul Quétin
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La place de la préparation physique est-elle devenue prépondérante dans le tennis d'aujourd'hui ?

Paul Quétin : Ce n'est pas seulement la préparation physique qui a évolué ces trente dernières années, c'est le tennis ! Dans tous les domaines, la professionnalisation a amené plus d'exigences. Les entraîneurs sont mieux formés, la technique a évolué, l'accompagnement médical et paramédical s'est renforcé, la préparation mentale aussi… La compétition s'est resserrée et internationalisée. C'est presque une obligation de faire monter les curseurs en matière de préparation physique. Ça bouge partout dans le monde. La FFT s'est montrée novatrice, en termes d'équipement, de fonctionnement. Nous n'avons pas à rougir dans ce que nous faisons. Mais nous avons l'obligation de nous remettre toujours en question et d'être à l'affût de ce qui peut se faire ailleurs. Nous avons la chance de pouvoir aller sur les grandes compétitions. C'est très important d'avoir ce rôle de veille, pratique et scientifique, pour faire progresser nos jeunes.

Jean-Marc Duboscq : Notre organisation est dynamique, en mouvement. Elle permet de gagner du temps. Elle prend en compte des projets de plus en plus individuels. Nous sommes sortis d'un cadre collectif qui a été la référence pendant de très nombreuses années, notamment avec les Pôle France. Il y a une confiance qui se crée avec l'ensemble des entraîneurs. Il y a une vraie continuité dans ce que l'on essaie de proposer à l'échelle nationale.

Paul Quétin : Il faut bien préciser notre position en tant qu'entraîneur. Nous sommes des adjoints. Ce n'est pas péjoratif. Nous sommes au service du projet. L'entraîneur tennis est le chef de projet. Nous, nous devons être capable de nous adapter et d'être force de proposition. Chaque entraîneur tennis à sa personnalité. On doit s'adapter à lui, dans notre discours ou même dans la mise en place du travail pour que le binôme soit le plus efficace possible. Et bien sûr nous sommes aussi l'intermédiaire avec le staff médical ou paramédical. L'entraîneur physique est celui qui s'adapte à la structure en général.

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Pour conclure, que diriez-vous à un parent, un jeune joueur pour le convaincre que le travail de la FFT autour du physique est à la fois optimum pour l'objectif de haute performance et "bienveillant" en terme de santé ?

Jean-Marc Duboscq : Déjà, ce que l'on peut dire, c'est qu'entre les collègues, les CTR, les CST, il n'y a pas d'intervalle. Nous sommes différents les uns des autres bien sûr, mais complémentaires. Ce constat est rassurant à bien des égards. Ensuite, nos contenus tiennent bien sûr compte du développement des ressources selon l'âge, mais pas seulement. Nous mettons en place une "éducation sportive", avec des grands principes liés à l'échauffement, la récupération, la permanence du travail.

Aujourd'hui, l'un des messages que l'on amène pour faire gagner du temps au joueur est le respect de l'intégrité physique, cela renvoie au concept de la prophylaxie. On est tous convaincus de ce constat : plus on s'entraîne dans les meilleures conditions, plus on progresse. La confiance que l'on amène dans les territoires doit se faire à ce titre-là : il y a une vraie cohérence dans ce qui est proposé par rapport aux projets individuels et sur la transmission vers le haut niveau.

Les encadrements, les joueurs ne nous appartiennent pas : c'est leur projet, avant tout. Ce qui est fondamental pour atteindre le haut niveau, c'est que la joueuse, le joueur soit habité par son projet. Et ça, ça se construit très tôt. La dimension physique au sein de l'entraînement peut amener à développer cette autonomie.

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Nous mettons en place une "éducation sportive", avec des grands principes liés à l'échauffement, la récupération, la permanence du travail.
Auteur
Jean-Marc Duboscq
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Nous devons veillez à la bonne santé physique de nos sportifs, mais aussi à leur santé psychologique et à leur épanouissement.
Auteur
Paul Quétin
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Paul Quétin : Symboliquement je n'aime pas qu'on évoque notre métier comme "préparateur physique". J'attache de l'importance au fait que nous soyons tous des entraîneurs physique. Le message que je veux faire passer en disant cela, c'est que nous sommes des éducateurs. Nous devons veillez en permanence à la bonne santé physique de nos sportifs, mais aussi à leur santé psychologique et à leur équilibre de vie en favorisant leur épanouissement. On doit être garant de ça.

Nous ne sommes pas seulement des personnes qui essaient de pousser la machine le plus loin possible pour rechercher la performance en termes de force et de vitesse. Nos jeunes sont en formation. Ils se posent des questions, ils ont des doutes. On doit être à leur écoute pour leur donner de la confiance et essayer de développer cette confiance. Développer leur force physique doit leur permettre d'affronter la compétition avec toutes ses exigences. Le tennis, c'est une vie très particulière, beaucoup de matchs, beaucoup de voyages…

Nous, entraîneurs, devons les aider à avoir un certain équilibre psychologique à travers leur bonne santé et leur bonne forme. C'est d'ailleurs ce qui fait que ce métier nous passionne. Si nous étions seulement là pour améliorer la vitesse ou la force d'un athlète, ce serait beaucoup moins intéressant. Ce qui nous anime, c'est d'essayer à ce que le sportif devienne accompli. Sur le plan de la performance et sur le plan humain.

Jean-Marc Duboscq : Notre approche est devenue systémique. Pendant des années, l'entraînement était assez analytique. Il y avait le préparateur mental d'un côté, le préparateur physique, l'entraîneur technique. Aujourd'hui la performance est un tout. Je terminerai par dire que nous sommes vraiment "immergés" au sein de la FFT.

Pour illustrer ça, je prendrai l'exemple des 7 ans et moins : pour leur formation, l'un des éléments clés, c'est leur bien-être au sein du club. On se doit donc d'être performant dans leur accueil au sein du club, avec évidemment des contenus physiques adaptés, autour du développement moteur comme je le disais plus haut. Les missions de service public qui nous animent, puisque nous sommes aussi des agents de l'Etat, c'est d'être au service du développement de la pratique. La pratique du haut niveau, mais aussi la pratique pour tous.

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