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Entraînement : les préférences motrices

La Direction Technique Nationale s’intéresse à l’approche dite “des préférences motrices”, en matière de préparation d’entraînement. Cyril Brechbuhl, entraîneur physique national, en évoque les points forts.
Cyril Brechbuhl
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Quel est l’esprit de cette approche ?
On a beaucoup utilisé le mot “individualisation”. Cette approche consiste à ne pas prendre en considération une seule et unique façon de faire, mais à s’intéresser en premier lieu aux préférences de l’individu. Pas pour l’y maintenir exclusivement, mais pour partir de ses préférences afin de compléter son champ des possibles.

En quoi est-ce vraiment important ?
La grande notion ici, c’est que certains fonctionnent comme des “aériens” et d’autres plutôt comme des “terriens”. Des joueurs comme Alexandr Dolgopolov ou Adrian Mannarino sont typiquement aériens, ce sont un peu des marsupilamis montés sur ressorts ! À l’inverse, Jo-Wilfried Tsonga est un véritable terrien, tout comme Dominic Thiem, qui va chercher ses ancrages forts au sol, qui a des déplacements horizontaux. Aucune façon d’être n’est préférable à l’autre. On ne va pas demander à l’aérien de se comporter comme un terrien, et inversement. Il faut respecter la préférence naturelle de chacun, tout en amenant dans le même temps le joueur dans sa partie la plus difficile, dont il va aussi avoir parfois besoin. L’enjeu est là : faire avec la préférence naturelle pour mieux la compléter. Cela permet également d’éviter des blessures.

Comment l’appliquez-vous au sein de la FFT ?
Selon le cas de chacun, on va adapter le travail. Cela fixe des objectifs différents, avec une lecture des chiffres liés aux entraînements différente selon les cas. Sachant que la finalité est la même : se déplacer rapidement sur le terrain et frapper fort en arrivant sur la balle. Mais tout cela va être fait en exploitant des ressources différentes.  Aujourd’hui, à la FFT, on en est aux balbutiements. Il y a un intérêt autour de ça, mais c’est aussi à manipuler avec prudence. Pour moi, il s’agit de faire avec cette approche, tout en respectant les fondamentaux historiques de la discipline. Au sein de la DTN, une quinzaine d’entraîneurs a commencé à se former à cette approche. L’enjeu est d’en prendre le positif, à savoir chercher à individualiser les contenus d’entraînement, les évolutions techniques, sans pour autant ne jurer que par ça.

Pourquoi est-ce particulièrement intéressant, dans un sport comme le tennis ?
Chaque athlète arrive avec ses bagages, son histoire, ses préférences, ses aspirations. On parle des aériens et des terriens, mais il y a aussi les “dissociés” – quand le joueur rompt l’alignement entre la ligne d’épaules et la ligne de bassin – et les “associés”.  Mettre les joueurs dans leur préférence motrice, c’est les mettre dans de bonnes dispositions pour performer. S’ils sont bien dans leur motricité, ils géreront mieux l’adversité. Cela renvoie aussi au fait que la bonne remédiation technique doit être efficace assez rapidement. Si ça coince, c’est que ça ne colle pas à la personne. Si on fait passer au forceps, ce n’est alors pas naturel et ce n’est peut-être pas la bonne solution. La bonne solution doit apporter sa plus-value de façon assez rapide et naturelle.


Propos recueillis par Estelle Couderc