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Comment revenir plus fort après une grosse blessure ?

Dans ce nouvel épisode de conseils aux compétiteurs, le jeune Français Arthur Cazaux (20 ans), qui a déjà connu plusieurs grosses blessures, explique comment il a su rebondir pour revenir plus fort à chaque fois.
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Une fracture au coude fin 2016, une fracture au pied fin 2018, une pubalgie tenace entre 2021 et 2022, et pour épicer le tout, entre-temps, des tendinites à l'épaule, au poignet ainsi que des déchirures au psoas, aux abdominaux et aux quadriceps… A 20 ans (il est né le 23 août 2002), le Montpelliérain Arthur Cazaux a déjà connu une litanie de blessures, et pas des moindres, qui en auraient laissé plus d'un sur le carreau à sa place.

Lui a su rebondir à chaque fois pour poursuivre le cours d'une ascension qui l'emmène aujourd'hui aux portes du top 200 mondial, après un début de saison 2023 très prometteur. Bien sûr, Arthur a perdu un peu de temps et laissé des jeunes de sa génération comme (notamment) Carlos Alcaraz et Holger Rune – qu'il a tous deux battus sur le circuit juniors – prendre de l'avance. Mais il dit avoir aussi beaucoup appris de ces périodes d'immobilisation, dont il estime qu'elles le rendront peut-être d'autant plus fort.

Si vous aussi avez connu une blessure d'importance et que vous tentez de revenir à votre meilleur niveau, suivez les conseils d'Arthur !

 

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1/ S'accrocher à ses objectifs à long terme

C'est le point n°1 et probablement le plus important, en tout cas aux yeux d'Arthur Cazaux qui dit s'être accroché à ses objectifs à long terme comme à une bouée de sauvetage pendant ses blessures.

"J'ai aussi, comme la plupart des joueurs, des objectifs à court terme et ce qui peut être frustrant pendant une blessure, c'est que ces objectifs-là ne peuvent pas être remplis, explique l'ancien finaliste de l'Open d'Australie juniors (2020). C'est là où le fait de ne pas perdre de vue ses objectifs à long terme est très important mentalement. Car c'est ce qui permet de garder la foi et la motivation. Et si l'on reste motivé, il n'y a pas de raison de paniquer : d'accord, on perd du temps pendant la blessure mais une fois celle-ci guérie, on a tout le temps de reprendre le cours de sa progression après. Car il y a toujours des choses à apprendre, même quand on est dans le dur."

Arthur ne le cache pas : gagner Roland-Garros a toujours été son rêve d'enfance, désormais devenu pour lui ce fameux objectif à long terme, "celui pour lequel je m'entraîne tous les jours." Evidemment, tout le monde n'aura pas le même, mais tout le monde peut avoir son propre Graal, si possible cohérent et atteignable. Ce sera votre phare à ne pas perdre de vue pendant la tempête.
 

FFT / Pauline Ballet
Arthur Cazaux rêve de gagner Roland-Garros... Pensez à votre objectif au long cours, quel qu'il soit, comme moteur de motivation.
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2/ Continuer à s'entraîner autant que possible

On a tous en tête ces images de l'ancien n°1 mondial Thomas Muster tapant la balle en position assise, la jambe (blessée) immobilisée sur un banc. Arthur Cazaux a fait la même chose pendant sa fracture au pied. "Ça m'a permis de garder le contact avec la raquette et de travailler un peu la main. Mais à vrai dire, c'était surtout pour me faire du bien dans la tête."

Sans aller jusque-là, même si ça paraît paradoxal, il est tout à fait possible voire indispensable de continuer à s'entraîner quand on est blessé, au moins physiquement. Et pas forcément qu'un un simple entretien : un véritable entraînement, afin de de combler d'éventuelles lacunes que vous n'avez pas suffisamment le temps de travailler en temps "normal".

"Quand j'ai été blessé sur le bas du corps, j'ai beaucoup travaillé le haut pour gagner en force, ce qui était vraiment nécessaire chez moi, raconte le protégé de Stéphane Huet. J'ai aussi profité de mes absences pour réfléchir à mon tennis, j'ai regardé beaucoup de vidéos de mes propres matches ou des meilleurs jeunes de mon âge pour voir quelle orientation donner à mon jeu. A l'arrivée, je pense avoir progressé pendant mes blessures dans des domaines précis, physiquement et tactiquement. Ce qui est important pendant ces périodes, c'est d'être toujours à la recherche de ce qui pourrez vous faire progresser en tant que joueur."

Le fait de "mijoter" tout cela pendant votre indisponibilité ne vous en donnera que plus envie de croquer dans la balle à la reprise.

FFT / Marine Andrieux
Même dans l'impossibilité de "matcher", chercher à vous entraîner autant que possible, sur le court mais aussi sur le plan physique, comme Arthur.
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3/ Trouver du positif ailleurs

Le tennis est le sport d'une vie, on est d'accord là-dessus. Mais ça ne doit pas être pour autant le seul moteur d'une vie, y compris pour un joueur professionnel. Et une blessure sérieuse peut parfois servir d'électrochoc pour en mesurer l'importance.

"Le fait d'avoir été beaucoup blessé a été dur à vivre car soudainement, je me suis retrouvé privé de ce qui m'anime dans la vie. Mais cela m'a beaucoup forgé mentalement dans la mesure où justement, pour continuer à avancer, j'ai été obligé de trouver du positif au quotidien, relate ainsi celui qui, à 18 ans, avait battu Sebastian Korda lors des qualifications du Masters 1 000 de Madrid en 2021. En fait, j'ai appris beaucoup de choses sur moi pendant ces absences et je me suis vraiment trouvé en tant que personne. Donc à chaque fois, j'en suis ressorti beaucoup plus fort dans la tête car quand on se connaît mieux, on est également un meilleur joueur."

L'entourage, comme le fait remarquer Arthur, joue aussi un rôle important dans ce processus. Les blessures sont aussi une bonne occasion de mieux se connecter à ses proches et s'entourer des bonnes personnes qui vous aideront, aussi, à avancer.

FFT / Philippe Montigny
A l'image de Caroline Garcia, blessée au début de la saison 2022 avant de remporter le Masters quelques mois plus tard, trouvez du positif ailleurs quand vous ne pouvez plus jouer !
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4/ Garder confiance en son tennis

Même si vous êtes emmené à ne pas toucher la raquette pendant plusieurs mois, surtout, pas de panique : le tennis, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Jamais. Le manque de sensations, c'est souvent beaucoup dans la tête, et aussi un peu dans les jambes, bien sûr. Mais pour peu que vous mainteniez un bon niveau physique, elles reviendront très vite voire tout de suite. Restera à retrouver le rythme des matches et surtout cette fameuse confiance qui peut être plus longue à reconstruire.

"C'est vrai qu'au début, quand je me blessais, j'étais un peu paniqué en pensant que je ne sentirais rien à la reprise, et le simple fait de penser à ça faisait qu'effectivement, je ne sentais rien à la reprise, témoigne le licencié du Stade Toulousain. Avec le recul, j'ai compris que mon tennis n'allait pas s'envoler comme ça et désormais, c'est l'inverse : le simple fait d'avoir confiance me permet de retrouver mon tennis très rapidement."

Plus facile à dire qu'à faire quand on vous rabâche à longueur de journée des exemples de jeunes du même âge qui ont déjà cassé la baraque. Arthur a dû prendre du recul par rapport à ça pour ne pas, justement, céder à la panique :

"J'ai souvent entendu que si on n'est pas top 200 à 20 ans, on n'y arrivera jamais. Mais ça ne veut rien dire. En fait, chacun va à son rythme. Si je ne suis pas là où je veux être à 20 ans, alors j'y serai peut-être à 30. Et si je n'y suis jamais, je sais que je n'aurais rien à me reprocher parce que je me donne à fond tous les jours. Au fond, c'est cela ça le plus important, pour un professionnel comme pour un amateur : l'important n'est pas tant de réussir mais de faire son maximum pour atteindre la meilleure version de soi-même. Si on donne tout, on se trouvera au moins en tant que personne."

Les propos d'Arthur le démontrent : la (bonne) gestion d'une blessure est avant tout psychologique, beaucoup plus que physique.

 

FFT / Corinne Dubreuil
Très souvent blessé depuis quelques années, Rafael Nadal continue de revenir... et de gagner. La confiance est toujours là !
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5/ Bien gérer la reprise

Une fois remis sur pied, à la fois physiquement mais aussi psychologiquement, attention à ne pas tout gâcher par une reprise mal gérée. Et ça aussi, c'est valable pour les pros comme pour les amateurs.
Après une longue blessure, il faut prendre le temps de "réathlétiser" le corps et le réhabituer à encaisser des efforts. Parfois, souvent même, ce n'est pas la zone qui a été touchée qui peut poser problème, mais d'autres zones du corps, par un effet de compensation d'autant plus pernicieux qu'on est naturellement moins vigilant sur ces autres zones. Bref, il faut y aller doucement.

"J'ai dû apprendre à faire attention là-dessus car je suis à la base quelqu'un de très demandeur, j'aime jouer énormément, m'entraîner dur et longtemps, reconnaît Arthur. Maintenant, je sais comment préserver mon corps car c'est vrai que, fragile ou pas, le fait est que j'ai souvent été blessé."

Comme l'actuel 229e mondial, il convient donc d'y aller crescendo, à la fois à l'entraînement mais aussi dans le programme de compétition, en acceptant d'ailleurs que, peut-être, vos premiers matches ne seront pas vos meilleurs. Pas grave : "encore une fois, l'objectif à long terme est le plus important. Si cette envie est là, ce n'est pas une blessure qui vous empêchera d'y arriver. Il n'y a aucune raison de se décourager."

D'autant qu'on le sait bien : quand l'esprit est au clair, le corps, bien souvent, se met au diapason.

(Rémi Bourrières)

DR
Vainqueur d'un Challenger à Bangkok en début de saison 2023, Arthur Cazaux a parfaitement géré sa reprise...
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