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Roland-Garros

RG18 : Jaimee Floyd Angele déploie ses ailes

Jaimee-Floyd Angele, 18 ans, a passé ce dimanche le premier tour du tournoi juniors en dominant l’Américain Trey Hilderbrand. Un espoir au physique hors norme et à la tête bien faite. Portrait.
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Lorsqu’il arrive, il faut bien lever la tête pour aller attraper son regard. La poignée de main est ferme, le sourire large. Puis il plante ses yeux dans les votre et vous lâche un "Jaimee. Enchanté !". La timidité, qui transpire généralement chez les jeunes pousses du circuit, n’est pas le genre de Jaimee Floyd Angele, 207 cm sous la toise, l’un des onze juniors français engagés dans ce Roland-Garros 2018.

Evacuons, pour commencer, la question de son prénom qui intrigue forcément pour un Français. Jaimee Floyd se prénomme ainsi en hommage à Jimmy Floyd Hasselbaink, joueur de football néerlandais, vedette de Chelsea au début des années 2000, dont le papa de cet espoir du tennis français était fan.

service angele train

Originaire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), "JFA" est né le 27 mars 2000 d’un père aux origines vénézuéliennes et d’une mère belge flamande. Dès cinq ans, Jaimee va logiquement se retrouver sur les courts du TC Pantin que sa maman (1m91) préside et où son père (1m92) entraîne. "Même si j’étais passionné de foot, j’ai démarré avec lui le mini-tennis. On jouait tous les deux et on a très vite fait des petits matches. C’était super ludique. Il me battait toujours évidemment. J’ai dû attendre d’avoir 11-12 ans pour enfin gagner un set. Ça m’a rendu vraiment heureux. Cette perspective de le battre un jour a été une formidable carotte", raconte-t-il.

Dans les tribunes de Nadal-Mathieu

La passion du tennis est souvent contagieuse. Avec ses parents et le reste de sa famille, Jaimee bouffe du tennis à la télévision et vibre aux exploits de Jo-Wilfried Tsonga, Gaël Monfils, dont il dit "aimer le caractère" mais aussi de Rafael Nadal. A six ans, pour sa première visite à Roland-Garros en tant que spectateur il assiste à l’un des plus formidables matches de ces dernières années : le fameux  Rafa Nadal-Paul-Henri Mathieu où le Français avait "secoué" le tenant du titre pendant plus de quatre heures. "On n’avait pas de billets avec mon papa mais on avait réussi à demander à des personnes de nous faire entrer", se souvient le sociétaire du Blanc-Mesnil Sport Tennis. Quelle expérience !

Le parcours dans le tennis de Jaime est modèle du genre made in FFT : Ligue/Pôle France de Poitiers/Insep, et depuis la rentrée de septembre, le voilà installé du Centre National d’Entraînement où il travaille avec Philippe Robin qu’il avait partagé pendant deux ans avec Hugo Gaston et Clément Tabur. "Je suis très heureux au CNE, on a tout ce qu’il nous faut. Je voulais un peu d’indépendance. Ça me plait !", ajoute celui qui avait remporté le championnat de France 15-16 ans en 2016 et pointe à la 85e place du classement français et à la 791e place mondiale.



S’il évolue le circuit juniors, comme lors de l’Open d’Australie ou ici à Roland-Garros, Jaimee est donc parti à la conquête de ses premiers points ATP comme récemment lors d’une longue tournée au Nigeria. "Mon entraîneur voulait que je me forge un caractère en Future, que je sois dans le dur. Ça m’a permis de prendre du recul. Quand j’arrive sur le terrain en juniors, je me dis que la vie est belle, que tout va bien !" Une vision des choses qui colle parfaitement à l’image qu’il renvoie, celle d’un garçon apparemment bien dans ses baskets.

Côté tennis, l’un des axes de travail de Philippe Robin est évidemment d’exploiter au mieux les qualités liés à ce physique hors norme (service, puissance) mais aussi de gommer les défaut qui vont avec, et notamment le déplacement. Pour aller dans ce sens, Jaimee a dû énormément jouer sur terre battue l’an passé où il a d’ailleurs perdu beaucoup de matches. Mais c’était pour la bonne cause : "Mon jeu de jambes a énormément progressé. Le jeu sur terre m’a aussi aidé à developper la musculature de mes jambes. Et je crois que je me déplace pas si mal pour quelqu’un de ma taille."

S’il considère que "chaque joueur à ses particularités", Jaimee avoue aussi s’inspirer des grands champions -par la taille- comme Del Potro, Anderson Isner ou Karlovic. "On essaie de prendre un peu de chacun, et ça m’aide beaucoup au quotidien."

A l'entraînement avec Serena

Côté objectif, le pensionnaire du CNE dit, avec une certaine philosophie, "vivre au jour le jour". Avant d’ajouter, dans un demi sourire : "C’est vrai qu’il y a le top 10 dans un coin de ma tête. Mais pour commencer, je dois essayer de progresser chaque jour. J’ai des qualités, mais n’y revenons pas. J’ai aussi beaucoup de défauts et je dois travailler dessus, comme être plus régulier, être plus stable mentalement, améliorer ma technique au filet et mieux utiliser encore mon service." On a connu joueur de cet âge bien moins modeste et lucide…    

Pour Jaimee, ce Roland-Garros 2018 est -déjà- à marquer d’une pierre blanche, quoiqu’il arrive dans ce tournoi juniors. Par le biais d’une wild card, il a pu disputer les qualifications pour le grand tableau, où il a réussi à prendre un set à l’Australien Thanasi Kokkinakis, 69e mondial il y a trois ans, et s’est retrouvé à jouer les sparring-partners de Serena Williams.

serena angele RG18

"J’ai beaucoup appris de cet entraînement. C’est comme si j’avais grandi en deux heures. C’est une personne admirable. Elle n’a plus rien à prouver et elle bosse encore très dur. Ce qui m’a impressionné, c’est son engagement mental et physique…" Serena, comme inspiratrice, c’est plutôt bien vu !

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