Dans ce nouvel opus de Conseils aux compétiteurs, nous abordons une problématique (trop) bien connue de la grande majorité des joueurs amateurs : aller jouer un match au sortir d'une longue journée de boulot. Il y a forcément quelques écueils...
Qui n'a jamais connu cette situation d'urgence : fin du boulot (ou des cours) à 18h, match à 19h et entre les deux, une course contre-la-montre pour arriver au club à peu près à l'heure. Ce qui, en soi, est déjà une première victoire. Mais convenons-en : ce n'est pas non plus une préparation idéale avant un match.
"C'est un problème que je constate souvent avec mes joueurs en club : quand ils arrivent à l'entraînement après une journée de boulot, au début, ils n'en mettent pas une !", témoigne Ralph Boghossian, entraîneur au TC Gémenos (Bouches-du-Rhône) et préparateur physique au sein de la Team Elite de Lionel Zimbler, à Marseille.
"Combien de fois ai-je entendu : j'ai eu une journée de m…, donc j'ai fait un match de m…", renchérit Frédéric Mazel, entraîneur et préparateur mental au sein de l'académie de Rodolphe Cadart, à Aix-en-Provence.
Tout le monde n'a pas la chance, comme un professionnel, de pouvoir se préparer sereinement en attendant son match le soir en "night session". Bonne nouvelle : il y a des chances que votre adversaire soit dans la même situation. Et puis, il existe des moyens de contourner le problème, ou du moins de le gérer au mieux, en suivant les conseils prodigués ci-dessous par nos deux experts.
1/ Suivez à la lettre le "plan" hydratation-nutrition
Quel que soit votre emploi du temps de la journée, voilà un point qui ne changera pas : vous devrez vous alimenter et vous hydrater de la même manière, en suivant d'autant plus scrupuleusement les règles élémentaires. Et à moins de bosser dans un goulag en Sibérie, a priori, peu de métiers vous empêcheront de le faire, qu'ils soient physiques ou intellectuels.
"La règle de base, quand on a un match le soir, est de bien s'hydrater tout au long de la journée, avec de l'eau bien sûr mais aussi des boissons enrichies en sels minéraux ou en électrolytes", rappelle Ralph Boghossian.
Il sera peut-être difficile d'adapter l'heure de votre pause "dej'" à celle du match. Mais ce n'est pas très grave. L'essentiel est surtout dans la composition de votre assiette. Evidemment, mieux vaut éviter des pizzas, burgers ou autres desserts bien caloriques. "Prenez un repas léger, digeste en privilégiant de la viande blanche ou du poisson avec des sucres lents, poursuit l'ancien préparateur physique de Benjamin Bonzi. Le soir, prenez une collation deux heures avant le match. Puis, pendant, continuez de vous micro-alimenter avec des bananes ou des barres céréales, et de vous hydrater avec de l'eau et des boissons d'effort."
Quand on connaît l'importance de l'alimentation et de l'hydratation dans la performance, il serait dommage de se passer d'une stratégie bien menée. D'autant que celle-ci ne dépend que de vous, et pas d'un chef de service peu soucieux de vos perfs tennistiques.
© Johan Sonnet / FFT
Faites les bons choix à l'heure du déjeuner en pensant à votre match du soir !
2/ Anticipez tous les scénarios
Si vous vous retrouvez mené d'entrée 3-0 double break sans avoir vraiment eu le temps de rentrer dans votre match, plutôt que de vous mettre à pleurnicher en décrétant que vous n'auriez jamais dû venir, prenez pleinement conscience, en amont, que c'est un cas de figure tout à fait plausible. Parmi d'autres…
"Après une journée de travail, on peut être fatigué, stressé, énervé ou, à l'inverse, en sur-confiance si la journée s'est bien passée. Il peut se passer énormément de choses. Le premier conseil que je donnerais, c'est d'envisager tous les scénarios possibles, expose Frédéric Mazel. Et surtout, d'anticiper sa manière de réagir. Comment va-t-on se parler ? Que va-t-on faire pour détendre son corps ou, au contraire, le mettre en énergie ? Il faut plus que jamais être centré sur soi et accepter ce que l'on ne maîtrise pas."
Plus que le match en lui-même, l'avant-match revêt donc une importance cruciale. Si cette préparation psychologique n'est pas optimisée, il y a des chances que le moindre grain de sable vous fasse exploser en plein vol.
© Delphine Prevot / FFT
Dans votre tête, anticipez tous les scénarios de match. Soyez prêt !
3/ Chérissez le temps de trajet
Dans la lignée directe de ce que l'on vient de dire, le trajet qui vous mènera de votre lieu de travail jusqu'au club sera un temps de préparation psychologique précieux - peut-être le seul - que vous pourrez vous accorder avant le match. Optimisez-le au maximum.
Que vous le fassiez en voiture, en transport, en vélo, à pied ou en char à voile, peu importe : "Ce temps de trajet doit être, selon le cas, un sas de décompression ou de mise en pression", insiste Frédéric Mazel, qui dirige le programme RISE destiné à accompagner mentalement des joueurs de haut niveau.
Musique, podcast, exercices de respiration, séquences de visualisation… A chacun son "truc" pour se mettre en condition. "En quelque sorte, il faut se transformer en un autre personnage, troquer très vite le costume de travailleur contre celui de joueur, explique Ralph Boghossian. Ce "switch" mental est ce qu'il y a de plus dur. Souvent, il faut au moins une dizaine de minutes pour chasser les pensées parasites et commencer à se mettre en "mode" match. C'est donc fondamental de le faire en amont."
© Nicolas Gouhier / FFT
Quel que soit votre moyen de transport, le trajet qui vous mène de votre lieu de travail jusqu'au match doit être un sas de décompression.
4/ En priorité, chauffez bien l'œil et le cardio
On a parlé de l'échauffement mental. Reste l'échauffement physique, qui bien souvent pose problème, faute de temps. Il faudra donc aller à l'essentiel. Et l'essentiel, paradoxalement, est beaucoup négligé par les joueurs amateurs : "Il s'agit du réveil de l'œil, dévoile Frédéric Mazel. En tant que coach, je me rends compte que quand les joueurs ne sont pas encore "dedans", ils ont beaucoup de mal à garder la balle des yeux. Or, l'œil est quand même la base de tout au tennis."
Si vous avez lu l'une de nos récentes chroniques justement consacrées au travail de l'œil, vous saurez que celui-ci a l'avantage de pouvoir s'échauffer facilement, et rapidement, avec quelques jongles par exemples. Faisable, donc, même si vous débarquez quelques minutes avant votre match.
L'autre priorité, bien sûr, sera de faire monter le cardio. "Ça aussi, ça peut se faire très vite : des squats, des montées de genou, des jumping jacks, de la corde à sauter… En cinq minutes, vous pouvez commencer à être bien chaud, estime Ralph Boghossian. Avant d'aller sur le court, vous devez ensuite vous fixer des petits objectifs très basiques : viser une cible, garder un plan de jeu… Plus on est fatigué, plus il faut s'en tenir à des objectifs clairs et simples."
© Corinne Dubreuil / FFT
Exercez votre oeil avant le match peut être bénéfique.
5/ Optimisez les premiers coups de raquette
Même si vous avez tout bien respecté ce qui précède, il y a des chances que vous ne soyez pas encore au top en entrant sur le court. Le tout est d'en avoir conscience et de profiter de premières minutes raquette en main, lors du "warm-up" ou des premiers points du match, pour finir de vous chauffer et/ou de vous détendre. Quitte à oublier le score pendant quelques minutes.
"Stan Wawrinka l'avait bien expliqué après la finale de l'US Open 2016 contre Novak Djokovic : il était tellement stressé qu'il s'était donné pour unique objectif, lors des premiers jeux, de faire durer les échanges pour faire monter le cardio et ainsi se détendre, se souvient Frédéric Mazel. Certains, à l'inverse, vont avoir besoin de mettre des "mines" dans tous les sens, pendant quelques minutes. Là encore, à chacun de trouver sa méthode pour évacuer son trop-plein de stress ou de fatigue nerveuse."
La base, comme le répète Ralph Boghossian, reste tout de même de "mettre de l'intensité dans les jambes dès l'échauffement." "Plus que jamais, il faut faire attention aux fondamentaux : les jambes, le plan de frappe et la zone à viser. Le but est de commencer le match en se disant : 'Je suis prêt.'"
Et même si vous ne l'êtes pas complètement, l'essentiel est que la journée de boulot soit désormais complètement derrière vous. Vous n'avez plus, dès lors, qu'à profiter à fond de votre match.








