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Roland-Garros
Roland-Garros 2023

"On lève les yeux, il y a Djokovic en face... On a le bras un peu lourd"

Depuis trois ans, Arthur Bonnaud est sparring partner à Roland-Garros. Le pensionnaire du club de Clamart raconte son expérience.
Arthur Bonnaud
26 ans, gaucher
3e année en tant que sparring-partner à Roland-Garros
Texte

Comment es-tu devenu sparring partner ?

J'ai envoyé un mail à la FFT en précisant que j'étais dispo et motivé pour le faire pendant trois semaines. J'ai été sélectionné pour la première fois il y a deux ans, en 2021. C'est ma 3e année à "Roland" et j'ai aussi fait deux Bercy (Rolex Paris Masters).

Où es-tu licencié ?

Je suis au club de Clamart. J'ai toujours été là-bas depuis que je suis tout petit, sauf durant une pause de trois ans où je suis parti suivre un cursus universitaire aux Etats-Unis. 

 

 

Quel est ton classement ?

Je suis -15, c'est mon meilleur classement à ce jour.

Objectif "numéroté" ?

Oui, d'être numéroté et d'accrocher quelques points ATP pour essayer un jour de faire des tournois Challenger, voire plus si possible. Sinon je participe à des tournois Future, c'est mon début de 2e année sur le circuit ITF. Mais je n'ai pas encore de points ATP.

Tu parlais de séjour aux Etats-Unis. Dans quel cadre es-tu parti ?

J'ai toujours voulu donner la priorité aux études autant qu'au tennis. Quand j'étais au lycée La Fontaine, j'étais en horaires aménagés de la 5e à la terminale : j'avais cours du lundi au samedi de 8h à 13h, et tous les après-midi pour m'entraîner. Après ça, en arrivant en première voire en terminale, la question se pose : suivre les études ou se lancer sur le circuit ?

On n'est pas tous très matures à cet âge. (À ce moment, le public applaudit à tout rompre un point sur le court Central où se déroule le match entre Alcaraz et Djokovic). Bon même si, lui, Alcaraz a déjà gagné un "Chelem" à 20 ans (rires) !

Moi, j'ai préféré assurer mes arrières et suivre mes études avant de me lancer dans un projet où je devais plus m'investir financièrement. Je suis donc parti aux Etats-Unis et j'ai passé un bachelor de business international à la Keiser University, à côté de Miami.

Tout en continuant à jouer au tennis ?

C'était le but : valider un diplôme et continuer le tennis à haut niveau. J'avais une bourse, ça m'évitait de payer l'école car ça coûte très cher.

À l'image d'Arthur Rinderknech ?

C'est le même genre de parcours. C'est devenu un peu plus commun aux alentours de ma génération, 96, 97, 98, de faire ce genre de choses. Je recommande à tout le monde de partir faire un cursus à l'étranger : on découvre des cultures, loin de chez nous, on sort de notre zone de confort, on fait des rencontres de dingue...

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Quelle est l'ambiance sur le circuit américain ?

J'ai eu la chance d'arriver dans une équipe très soudée, et qui m'a très bien accueillie. J'ai des souvenirs plein la tête...  Il y avait beaucoup de Sud-Américains, on se faisait des barbecues fous le week-end.

Il y avait des rencontres de folies contre des universités dans des ambiances super chaudes, des voyages en car de six heures, tout en bossant les devoirs... C'était génial.

L'ambiance aux "US" est très différente par rapport à la France ou l'Europe. Au niveau de la taille des courts, ça dépend de chaque école qui gère son budget de la manière dont elle le souhaite. Mais ça nous est arrivé de faire des matchs dans des infrastructures dingues.

Comment se passe la journée d'un sparring partner ?

On arrive aux alentours de 8h, max 8h30. C'est tôt mais ça nous laisse le temps de nous échauffer. Et c'est important, car on peut avoir à jouer des échauffements rapides avec des joueurs du tournoi. L'intensité est énorme. Les joueurs ou les joueuses ne sont pas là pour prendre des photos !

J'ai déjà joué sur les courts de Jean Bouin (à quelques centaines de mètres de Roland-Garros, ndlr), sur le Philippe-Chatrier, le Simonne-Mathieu, le Suzanne-Lenglen, le 14.

La veille, on reçoit une programmation. Ça a changé cette année, il y a une application qui se met à jour et on reçoit des notifications. On est "à dispo" du tournoi jusqu'à 18h30, parfois plus tard sur des sessions de soirée si des joueurs veulent taper la balle en fin d'après-midi.

Quels sont tes meilleurs souvenirs ?

Il y en a tellement. Je ne vais pas être très original, mais quand je joue deux fois de suite avec Roger Federer ma première année ou la première fois où j'ai foulé le (Philippe-) Chatrier, avec Novak Djokovic, ça laisse des souvenirs à vie. Mais ce qui est beau, ce sont aussi les rencontres, les joueurs et les entraîneurs qui commencent à te reconnaître.

Ca fait plaisir quand ils se souviennent de toi et qu'ils posent des questions. Ça gonfle un peu l'égo (rires). À Bercy, j'ai joué plusieurs fois avec Tommy Paul, ça s'était super bien passé et j'ai croisé son entraîneur sur Roland qui m'a posé des questions sur ma saison. Pareil pour Cameron Norrie. De manière générale, ils sont tous super sympas et attentionnés.

Il y a un peu de pression quand on joue avec un top 10, non ?

En fait, c'est la première balle qui est très importante, car elle conditionne tout le reste. Quand on se place sur le terrain, qu'on lève les yeux, et qu'on a un Federer, un Djokovic, un Schwartzman en face, on a le bras un peu lourd... Ce n'est pas tous les jours qu'on a "ça". Ce serait mentir de dire le contraire.

J'essaye de me concentrer sur des choses très simples, d'oublier le public, la caméra, le joueur en face, pour produire la meilleure qualité de balle dont je suis capable, et que le joueur soit satisfait.

 

 

Quelles sont les demandes spécifiques des joueurs ?

Je suis gaucher donc les joueurs prennent pas mal de temps pour travailler le retour et apprécier les trajectoires de mon service. On insiste aussi souvent sur la diagonale de mon coup droit sur leur revers. Sinon au niveau des joueuses, moi qui joue des balles très bombées, il faut que je m'applique à jouer à plat, car sur le circuit WTA ça joue beaucoup plus comme ça.

Donc tu joues aussi avec des joueuses ?

On est à la disposition du tournoi, donc on peut entraîner les hommes, les femmes, les juniors aussi, mais surtout des Français. J'ai eu la chance de faire Hugo Gaston, Lucas Pouille, Corentin Moutet, Arthur Géa, Adrian Mannarino... Ça donne plus de motivation, on se dit qu'on va aider nos joueurs français !

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