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Comment s’inspirer de Nadal (même quand on est 3ème série) ?

Rafael Nadal vient de remporter son 21e tournoi du Grand Chelem. Cette victoire peut être inspirante pour les compétiteurs de tous niveaux. L'entraîneur Frédéric Fontang nous aide à dire comment.
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Evidemment, il n’y a pas deux joueurs de tennis identiques, et il convient de cultiver sa singularité pour développer ses forces sur un court. Si le jeu de Rafa est de toute façon difficile à reproduire, tout comme l’intensité qu’il met à chaque frappe, il existe néanmoins des fondamentaux, un socle de "valeurs" qui sont ou devraient être communes à tous les joueurs de tennis du monde, de tous niveaux et tous horizons.

Ces valeurs, personne ne les incarne probablement mieux que l’homme aux désormais 21 titres du Grand Chelem. Pour mieux les décrypter, nous avons fait appel à l’ancien joueur français Frédéric Fontang, qui entraîne la pépite canadienne Felix Auger-Aliassime avec pour consultant, depuis l’an dernier, un certain Toni Nadal, oncle et formateur du légendaire joueur espagnol.

Une collaboration à travers laquelle il a pu mieux définir les contours de cette attitude qui ont permis à Rafa de devenir la "bête" de compétition que l’on connaît. Lisez ces lignes et vous verrez que ce n'est pas impossible de les reproduire...

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1/ Simplifier les choses au maximum

On dit que le tennis est un sport compliqué, ce qui n’est pas faux étant donné sa richesse. Rafael Nadal fait tout, justement, pour se le simplifier au maximum. Pas de prise de tête superflue, ni dans l’approche des matches, ni dans la gestion des entraînements.

"On retrouve chez lui des valeurs qui sont très simples : le travail et l’humilité, explique Frédéric Fontang. C’est quelqu’un qui a les pieds sur terre, qui ne rechigne pas à être dans la répétition des choses, qui apprécie l’effort physique et met toujours beaucoup d’intensité quelles que soient ses sensations. Cela provient de son éducation : chez lui, il n’y a pas d’arrogance et il voit toujours le côté positif des choses."

Poncif ? Peut-être. Mais cette simplification à outrance du tennis en tant que jeu, en tant qu’activité physique, n’est, justement, pas si simple. Nous sommes encore trop nombreux à baisser d’intensité en cas de jour sans ou d’évolution défavorable du score... Rafa, lui, jamais.

FFT / Corinne Dubreuil
Rafael Nadal, ou la simplicité même avec un beau trophée à ses côtés.
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2/ Essayer d’être chaque jour un peu meilleur que la veille

Ça, c’est l’un grands principes de Toni Nadal, érigé en mantra par son neveu. Et ça lui a servi particulièrement dans les moments difficiles, notamment ces derniers mois quand il a dû surmonter sa sérieuse blessure au pied. Quand on ne parvient pas à voir le sommet de la montagne, autant se concentrer sur sa lente mais sûre progression. Un pas après l’autre, en somme.

"Là encore, on est dans les valeurs de travail et de simplicité, résume le Palois. A l’entraînement, Rafa donne toujours de son mieux mais sans chercher à brûler les étapes. Ils se concentre sur une chose assez simple : être chaque jour un peu meilleur que la veille. Quoi qu’il en soit, il reste proche du jeu et revient toujours au travail."

Et c’est vrai que vu comme ça, le tennis peut procurer plus facilement des satisfactions. On n’est pas aussi bon que l’on voudrait ? Pas si grave, si on a été meilleur que la veille, pas forcément en termes de niveau de jeu ou de sensations, mais de qualité de travail. Et, bien sûr, moins bon que le lendemain...

FFT / Corinne Dubreuil
Faire mieux, sur le point suivant, le jour d'après... Toujours.
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3/ Garder un certain détachement émotionnel du résultat

Il y a chez Nadal quelque chose d’assez intrigant, sinon fascinant : ce contraste qu’il montre entre sa présence quasi-animale sur le terrain et le détachement qu’il affiche en dehors, comme si tout cela, finalement, n’avait pas tant d’importance. Il le dit et le répète d’ailleurs souvent : si tout devait s’arrêter demain, ça ne serait pas si grave à partir du moment où une vie heureuse l’attend à côté. Ce qui est, ne l’oublions pas, le plus important.

C’est ce qui fait aussi que Nadal garde toujours, en conférence de presse, un visage à peu près égal quel que soit le résultat.

"Ça, c’est une valeur commune à tous les grands champions : ils ne montent jamais trop haut dans la victoire comme ils ne descendent jamais trop bas dans la défaite, fait remarquer celui qui a longtemps entraîné Jérémy Chardy. Il y a chez eux une vraie humilité devant le résultat. Et ils apprennent dans la victoire comme dans la défaite."

Cela nous évoque le fameux poème de Rudyard Kipling affichée à l’entrée du Centre Court de Wimbledon : "Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite, et recevoir ces deux menteurs d’un même front..." Avouez qu’on ne le fait pas toujours, si ?

FFT / Nicolas Gouhier
Lors de sa défaite en demi-finale à Roland-Garros l'an passé, Rafael Nadal a su comme toujours garder de la distance par rapport à l'événement.
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4/ Trouver le moyen de rester focalisé sur le moment présent

Ça aussi, c’est l’une des marques de fabrique de Nadal et c’est ce qui contribue à lui permettre de négocier aussi bien les moments importants d’un match, au-delà bien sûr de sa maîtrise technique, de son expérience et de sa confiance en lui, qui ne doit pas se confondre avec de la prétention.

"A chaque moment d’un match, son esprit ne voyage ni dans le passé, ni dans le futur : il est purement dans l’action, et c’est une qualité commune à tous les plus grands, que ce soit en sport ou dans d’autres domaines, relève l’ancien vainqueur du tournoi de Palerme en 1991. Ça, on doit vraiment s’en inspirer. Il existe des techniques pour s’y aider, comme la méditation. Chacun doit trouver la sienne. Rafa, on peut penser que tous ses tics sont sa manière à lui d’avoir une routine pour rester dans le présent. Mais encore une fois, ça part surtout de son éducation : être dans la répétition, faire de son mieux à chaque entraînement, et même à chaque frappe de balle. Ce sont des choses très simples qui aident à rester centré."

On conviendra pourtant que la capacité à rester dans le moment présent, étroitement liée à la capacité de concentration, n’est pas le plus facile. Mais c’est indispensable. Et c’est comme tout : ça se travaille...

FFT / Corinne Dubreuil
Rituels, tics, peu importe la manière, mais Rafael Nadal est toujours dans le moment présent sur un court.
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5/ Définir son identité de jeu et s’y tenir

S’il est reconnu aujourd’hui comme l’un des joueurs les plus complets du circuit et qu'il se projette de plus en plus vers l’avant, Rafael Nadal reste un joueur dont la base reste tout de même solidement campée au fond de court. 

Base depuis laquelle il applique depuis le début de sa carrière une tactique relativement simple : "il insiste avec son point fort, le coup droit - avec en plus l’avantage d’être gaucher – sur le point faible de l’adversaire, qui est souvent le revers, synthétise celui qui a aussi travaillé avec Caroline Garcia dans le passé. Au fil des années, il a ajouté plein de choses à son jeu, mais son plan tactique de base est resté le même."

Nadal a l’avantage d’avoir cerné très vite son identité de jeu, ce qui est certes peut-être plus facile en tant qu’Espagnol élevé sur terre battue, mais ce qui est un élément fondamental selon Frédéric Fontang.

"Quel que soit son niveau, il faut savoir définir très vite son identité de jeu en fonction de ses capacités physiques et mentales. Il s’agit de cerner ses points forts et s’y tenir, ne pas se perdre dans des choses que l’on ne sait pas faire. En ce sens, il est plus simple d’imiter Rafa que Federer, parce qu’il suit un schéma de jeu plus simple."

Mais maîtrisé à la perfection, il est vrai.

FFT / Corinne Dubreuil
Génie tactique, joueur complet, Rafael Nadal a quand même une base de jeu très simple sur laquelle s'appuyer : son grand coup droit de gaucher avec lequel il martèle le coup "faible" adverse.
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6/ Donner le maximum selon les moyens du jour

Last but not least. Si Rafa est l’un des plus grands joueurs de tous les temps, il n’en reste pas moins soumis à la même loi universelle que le 15/5 du coin : il a des jours sans. La différence, peut-être, c’est qu’il les accepte plus volontiers. Ou qu’il s’en accommode mieux.

"Ça lui est arrivé très souvent de jouer dans sa carrière en n’étant pas bien voire blessé, conclut l’ancien 59è joueur mondial. On l’a vu encore à l’Open d’Australie contre Shapovalov, où il était malade. Mais à chaque fois, il réussit à donner son maximum quitte à adapter un peu sa tactique. D’ailleurs, d’une manière générale, il a très bien su faire évoluer son jeu au gré de l’évolution de son physique."

On en revient aussi à ce qui est probablement la qualité première du Majorquin : sa combativité. Quel que soit son état de forme, quel que soit le score, il joue chaque point comme si c’était une balle de match. Pratiquement comme si c’était le dernier de sa vie. Là encore, ça paraît basique.

Mais jusqu’à preuve du contraire, c’est la meilleure manière de remonter un handicap de deux sets en finale d’un Grand Chelem.

FFT / Christophe Guibbaud
Rafael Nadal est un champion inspirant et pas seulement pour les artistes...
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