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Le match de ma vie (11) : Vincent Froidure

Onzième épisode : Vincent Froidure, qui en tant que juge-arbitre dans son club de la Somme, est tombé un jour sur un drôle de phénomène !
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Une ''perf'' énorme ? Un match qui dure 7 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...). Onzième épisode : Vincent Froidure, qui en tant que juge arbitre dans son club de la Somme, est tombé un jour sur un joueur pour le moins étrange...

Identité : Vincent Froidure
Club : Flixecourt Tennis Club
Meilleur classement tennis : 15/4 (2014)
Classement padel : 5255
Année de naissance : 1987

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"Il était classé 4/6, avait tout arrêté pour devenir pro... et est venu jouer chez nous en faisant du stop"
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Contrairement à nos invités précédents, vous n’allez pas nous raconter l’histoire d’un match que vous avez joué. Mais l’histoire d’un match, plutôt original, que vous avez juge-arbitré...

Ça s’est passé en 2014 dans mon club de Flixecourt. Nous avons eu cette année-là parmi les inscrits un joueur parisien qui, chez nous, a marqué les esprits.  

Vous avez souvent officié en tant que juge-arbitre ?

Oui, dans plusieurs clubs de la Somme, notamment chaque été du côté de Cayeux-sur-mer. Avec ses quatre courts en terre battue, c’est l’un des plus beaux clubs des environs. Mais l’histoire que je vais vous raconter a eu lieu dans mon club de Flixecourt. Flixecourt Tennis Club comprend 120 licenciés, possède deux courts indoor en résine et un court de padel outdoor, et organise son tournoi annuel en janvier/février. Jusqu’en 2014, ce tournoi était limité à 15/1. Mais il y a 5 ans, nous avons décidé de monter jusqu’à 0.

C’est donc cette année-là que vous avez reçu la visite d’un Parisien...

Ça m’a beaucoup surpris de recevoir l’inscription d’un joueur de Paris, classé 4/6. En effet, 95% des joueurs qui participent à notre tournoi viennent de la Somme. Les autres viennent de l’Oise ou du Nord-Pas-de-Calais. Nous n’avions jamais eu un Parisien chez nous. Ce Parisien très surprenant a été le premier... et il reste d’ailleurs le dernier à ce jour à être venu chez nous.

Vous êtes à combien d’heures de route de Paris ?

Nous sommes à deux heures de Paris et à 25 minutes d’Amiens, sur la route de Cayeux ou du Touquet. Nous sommes une petite commune de 3.000 habitants qui n’a même pas de gare. J’ai donc été surpris sur le coup et puis je me suis dit qu’il avait peut-être des connaissances dans le coin. Par curiosité, j’ai quand même regardé son palmarès sur internet et je n’ai pas retrouvé la trace de forfaits. L’inscription avait donc l’air sérieuse.

Est-il arrivé à l’heure ?

C’est là que l’histoire commence. La veille de son match, il m’a passé un coup de téléphone pour me confirmer son horaire, mais aussi pour me demander... où se trouvait la gare de Flixecourt. Il avait en effet l’intention de venir en train de Paris. Je lui explique que la gare la plus proche se trouve à 10 minutes en voiture, mais qu’aucun train venant de Paris ne s’y arrête. Le mieux, lui dis-je, est de descendre à Amiens pour prendre ensuite une correspondance amenant à cette gare « champêtre ». Ou alors, s’il est très motivé, de louer une voiture à Amiens.

Quelle solution a-t-il choisi ?

Il était très sympathique mais aussi très décontracté. Il m’a ainsi demandé tranquillement si je pouvais venir le chercher en voiture à Amiens. J’ai évidemment refusé, car cela m’aurait pris trop de temps et on ne peut pas servir de chauffeur à tous les participants. Mais il ne s’est pas démonté : il m’a dit qu’il se débrouillerait et qu’il serait là à l’heure.

Et le lendemain, il était là à l’heure ?

Il était convoqué à 18h30 et je l’ai vu arriver en avance... en voiture, avec le trésorier du club. Notre Parisien avait pris le train jusqu’à Amiens, de là il avait marché jusqu’à la nationale, où il a été pris en stop par un chauffeur de poids lourds. « Lâché » à Flixecourt, il a cette fois été pris en stop, hasard total, par notre trésorier. Étonné de voir quelqu’un se balader dans les rues avec un énorme sac de tennis sur le dos, il s’était arrêté pour lui proposer de le véhiculer jusqu’au club.

Comment était ce joueur parisien ?  

Il était vraiment sympa. Grand, silhouette sportive, environ 21 ou 22 ans. Mais en discutant un peu avec lui, je constate que ma première impression au téléphone avait été la bonne. Le jeune homme était effectivement assez atypique. Il avait arrêté ses études, il avait même tout arrêté, pour se consacrer au tennis. A 21 ans, il n’était classé que 4/6, mais voulait devenir joueur professionnel. Au milieu de son récit, il nous avait balancé cette phrase : "Je sens que c’est mon destin".

Puis il a continué son festival en se renseignant, avant même le début de son match, si quelqu’un pouvait l’emmener le lendemain à Lille, où il devait jouer un tournoi important, ou plus précisément les qualifications pour un gros tournoi local dont les meilleurs participants étaient classés en première série. Il espérait y faire un gros coup. Mais je me suis alors permis de lui rappeler qu’en cas de victoire, il devrait rejouer ici à Flixecourt le lendemain. "On s’arrangera", m’a-t-il répondu !

"J’ai besoin de sel. Avez-vous des cacahuètes ?"

Comment s’est déroulé son match ?

Il jouait bien, mais rien d’exceptionnel. On s’en est rendu compte dès l’échauffement. Il a coulé très rapidement contre un 15/1, sur le score de 6/2 6/2 ou 6/3 6/1. Je me souviens qu’il n’avait gagné que quatre jeux. Mais s’il était original en dehors du court, il était très calme sur le court. Absolument pas nerveux. Tout s’est bien passé...

Il n’y a rien eu d’anormal pendant le match ?

Si. Après avoir perdu le premier set, il est venu au bar du club-house pour une drôle de demande. "J’ai besoin de sel et pour ça il me faut des cacahuètes, vous en avez ?". Comme tout club-house qui se respecte, nous avons des gâteaux pour l’apéritif. Je lui ai ainsi fait cadeau d’un sachet de cacahuètes et il en a avalé à chaque changement de côté durant tout le deuxième set. Je n’avais jamais vu ça !

Vous a-t-il ensuite demandé de le conduire à Lille ?

Il a fait le tour du club et a demandé à tout le monde. Pendant son match, nous nous sommes demandés comment il allait repartir, vu qu’il avait déjà eu du mal pour l’aller. Il cherchait quelqu’un pour le conduire soit à Paris, soit à Lille ou à Amiens. Il essayait tout. C’est finalement un joueur programmé juste après lui qui lui a apporté son aide. Il était d’accord, après son match, pour l’emmener à Amiens où il pourrait dormir chez une « connaissance ». Il était déjà 20 heures passées, et donc trop tard pour prendre le dernier train de la journée.  

Autrement dit, avant de partir à Lille, il a dormi à Amiens chez l’habitant ?

Chez un illustre inconnu oui. Je n’en sais pas plus. Je sais juste qu’il est bien arrivé à Lille le lendemain, car il m’a envoyé ce message : "Salut Vincent, bien arrivé à Lille ! Merci pour Flixecourt, c’était vraiment cool !". Il était très attachant finalement. J’avais regardé ses résultats en fin d’année et j’avais constaté qu’il avait joué près de 150 matchs cette année-là. Mais depuis, je ne sais pas ce qu’il a fait...

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D'autres matchs de ma vie...
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Vous avez connu d’autres expériences de ce type en tant que juge-arbitre ?

Je me rappelle une expérience moins sympathique, qui fait penser à ce qui s’est passé avec Novak Djokovic cette année à Roland-Garros. A Cayeux, un joueur classé 3/6, qui affrontait un joueur classé 15, refusait de jouer car il estimait qu’il y avait trop de vent. J’ai dû insister et lui expliquer que les conditions étaient les mêmes pour tout le monde. Il était très énervé après moi. Il a perdu 6/0 6/0.

Quel rapport avez-vous avec le tennis ?

C’est ma vie. Je suis AMT (Assistant Moniteur Tennis). Dans ce cadre, j’ai d’ailleurs entraîné en 2014 une joueuse de 14 ans qui a été championne de France 4ème série en catégorie adultes, Alix Coulon. Je l’avais accompagnée à Roland-Garros, où avait lieu l’événement, et nous avons eu la chance de nous entraîner sur le court Suzanne-Lenglen. C’était extra de pouvoir taper la balle sur ce court où tant de grands champions ont joué. On a partagé le court avec Océane Dodin, qui elle se préparait à disputer la finale des championnats de France 17/18 ans. J’ai pu constater qu’elle tapait bien plus fort que moi (rires) !

J’ai un autre grand souvenir lié au tennis, quand j’ai pu assister à l’entraînement de l’équipe de France à Lille, avant la demi-finale France / Serbie en 2017. J’ai pu prendre une photo avec Yannick Noah !

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Quel est votre joueur préféré ?

J’adore Federer... et Nadal. Je ne peux pas choisir entre les deux. Mais à Roland-Garros, je suis pour Nadal, et à Wimbledon je suis pour Federer.

Vous avez également un classement au padel, vous avez mordu à l’hameçon ?

C’est génial, le padel. Avec ce beau temps en ce moment, nous jouons beaucoup au padel car nous n’avons pas de terrain de tennis outdoor. J’ai fait une compétition en catégorie P100, ce qui m’a permis d’avoir un classement. Je ferais peut-être d’autres tournois. C’est convivial et ludique !

Recueilli par Julien Pichené

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