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Jouer

Le match de ma vie (15) : Pierre-Louis Deranque

Quinzième épisode : Pierre-Louis Deranque, sommé par son père de déclarer forfait alors qu’il jouait le tournoi de sa vie. Trop de casse... Pierre-Louis est aussi la créateur de "Legend Points" sur Instagram.
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Vous avez passé 15 tours dans un même tournoi ? Vous avez disputé un match de 6 heures ou gagné en jouant en pieds nus ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).

Identité : Pierre-Louis Deranque
Club : Stade Olympique du Maine (Le Mans)
Meilleur classement tennis : 15/3
Année de naissance : 1995

Où a eu lieu le match de votre vie ? Ou plutôt, devrait-on dire, le tournoi de votre vie ?

C’était une époque où j’avais le jet de raquette facile. Je devais avoir 11 ans. C'était pendant l’été 2006, au Sporting club de la Baule. Ce n’est pas très loin du Mans où je vis, à 250 km environ. C’est pourquoi les jeunes Manceaux y vont souvent l’été. On fait nos tournées là-bas : la Baule, Pornichet...

Vous étiez en famille ?

Je logeais chez ma grand-mère, qui habitait dans les environs. Je retournais en famille pour les repas et pour dormir. Parfois, mes parents venaient. Le reste du temps, j’étais dans les clubs avec les copains. On y passait nos journées entières !

Quel était votre classement à l’époque ?

J’étais 30/1 et je jouais plutôt bien. Je me souviens que dans ce tournoi du Sporting, qui est un grand tournoi, on disputait souvent deux matchs par jour, un le matin et un l’après-midi. C’était costaud. Et pour moi qui avais l’habitude de jouer en salle au Mans, ce n’était pas facile de s’adapter au vent. À l’époque, j’avais donc comme je le disais vraiment le jet de raquette facile. Et lors de mon premier match disputé un matin au milieu des bourrasques contre un joueur moins bien classé que moins, l’une de mes deux raquettes y est passée.

Je l’ai cassée, pour faire passer ma frustration, mais je suis rentré déjeuner chez ma grand-mère avec la victoire en poche. Mon père, qui était alors de passage à la Baule, m’a engueulé quand il a appris que j’avais une raquette en moins : il ne supporte pas ce type de comportement sur le court.

Vous étiez plus calme l’après-midi pour votre deuxième match ?

Beaucoup plus. D’autant que j’ai encore gagné. Contre un 30/1. En jouant peut-être du mieux que je pouvais à l’époque.

Citation
Comme j’avais cassé toutes mes raquettes , mon père m’a ordonné de déclarer forfait pour la suite du tournoi.
Auteur
Pierre-Louis Deranque
Twitter quote
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Suite le lendemain donc ?

Le lendemain matin, j’ai enchaîné avec une troisième victoire en à peine plus de 24 heures. Cette fois contre un joueur classé 15/5, ce qui constituait l’une de mes plus belles perfs.

Quelques heures plus tard en début d’après-midi, j’ai joué mon quatrième match dans des conditions bien différentes : il faisait très chaud. Caniculaire, environ 35°. Avec mon adversaire qui était 15/4, on avait mis nos chaises à l’ombre pour faire nos changements de côté à l’abri du soleil. Je me souviens m’être mis le tuyau d’arrosage dans la figure pour chercher un peu de fraîcheur ! Bref, ces conditions nous fatiguent, surtout que le match a été long : on a joué trois sets. Et dans le troisième, alors qu’on s’était mis à faire des cloches, crevés, je suis parvenu à me détacher 5-2.

Donc pas de jet de raquette cette fois ?

Si, car il est revenu dans la partie. J’ai souvenir d’un point que je devais gagner, à 5-4. Je l’avais débordé en coup droit et il avait remis la balle comme il pouvait en laissant un court vide. Je n’avais qu’à pousser la balle pour gagner le point. Mais j’ai voulu la frapper de toutes mes forces et j’ai envoyé la balle dans le grillage. Une seconde plus tard, c’est ma raquette que j’ai aussi envoyé dans le grillage. Mais elle a heurté l’une des barres en fer qui bordent le cours et le cadre s’est cassé. C’était ma dernière raquette...

Heureusement, mon adversaire avec qui j’avais bien sympathisé m’a prêté sa raquette pour finir la partie. J’ai réussi à boucler ce dernier jeu avec sa raquette. J’étais très heureux. C’était ma quatrième victoire en deux jours. Je n’avais jamais autant gagné en si peu de temps !

Mais vous n’aviez plus de raquette...

Le soir au dîner, mon père était content pour moi quand je lui ai dit que j’avais encore gagné. Mais il était de nouveau très en colère quand il a appris que j’avais bousillé ma deuxième et dernière raquette.

Je lui ai expliqué que je faisais ''le tournoi de ma vie'', mais rien n’a pu le calmer. Il a voulu me punir. Et pour me donner cette leçon, il m’a ordonné de déclarer forfait pour la suite. J’ai dû faire croire au juge arbitre que je m’étais blessé... J’aurais peut-être pu passer d’autres tours, je ne le saurai jamais...

La raquette est cette fois en état de marche...
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Quel était votre sentiment ?

J’étais triste, c’était horrible. J’aurais peut-être pu continuer le tournoi en cachette, en empruntant une raquette à un copain. Mais c’était risqué. Ceci dit, ça m’a servi pour la suite. Aujourd’hui, je comprends. Je repense souvent à cet épisode. Et si d’aventure il peut m’arriver de lancer ma raquette, je n’en casse plus jamais. J’ai plus conscience du prix que ça coûte !

J’imagine que vous aimez les joueurs à fort caractère ?

J’aimais beaucoup Marat Safin. Aujourd’hui, j’aime beaucoup Benoît Paire. Il est parfois critiqué quand il sort de ses gonds ou lorsqu’il fait des réflexions à voix haute. Après un point de dingue cette année à Roland-Garros contre Kei Nishikori, on l’a entendu pester "mais quelle ch... il a !". Sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens lui sont tombés dessus. Mais dans les tournois de club, je vous l’assure, ceux qui disent ça sont nombreux ! C’est même parfois bien pire. J’aime aussi Roger Federer, j’aime regarder ses highlights.

Justement, à propos de beaux points... vous avez créé une page instagram dédiée au tennis, "legend_points", qui compte déjà plus de 13.000 abonnés !

Je fais des montages, je poste des photos ou des statistiques. Je fais aussi des petites vidéos dans lesquelles je me mets en scène (on ne voit jamais mon visage, je mets toujours un masque de Johnny Halliday).

On a la chance avec les outils d’aujourd’hui de pouvoir monter son propre petit média. L’idée de départ, c’était de partager ma passion et de faire en sorte que l’on parle de tennis tous les jours, pas seulement pendant Roland-Garros. J’essaie de faire une publication par jour. J’essaie aussi d’imiter des points qui m’ont marqué.

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