Le match de ma vie (8) : Guillaume Balland

Une ''perf'' énorme ? Un match qui dure 7 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...). Huitième épisode : Guillaume Balland, qui lors d’un match par équipes a vu son adversaire quitter subitement le court... pour aller vendre une débroussailleuse. 

Identité : Guillaume Balland
Club : AS.PSA. Vesoul
Meilleur classement : 15/5
Année de naissance : 1994

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"Je pensais qu’il était parti aux toilettes. Mais quelques instants plus tard, on a entendu un bruit de moteur ! "

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Quand a eu lieu le match de votre vie ? 

C’était début 2018, lors d’un match par équipes joué à domicile, à l’AS.PSA. Vesoul, sur nos courts intérieurs, sur de la résine rapide. On recevait une équipe qui venait de Saint-Vit, près de Besançon, à une cinquantaine de kilomètres de là. On ne les connaissait pas. Ils étaient plus âgés et aussi mieux classés que nous. Le mieux classé chez nous était 30, et le moins bien classé chez eux était 15/3. À 23 ans, je devais être le plus âgé de mon équipe, et en face le plus jeune avait 40 ans. C’était une sorte de choc des générations ! Ils étaient clairement favoris. Et ce jour-là, mon adversaire en simple m’en a fait voir des belles ! 

Vous avez joué le premier ? 

Non, en deuxième. On était menés 1 à 0. J’ai senti dès l’échauffement que ce match allait être différent. Après les deux premières balles, comme il a dû voir qu’il était meilleur, il s’est mis à faire des "tweeners". Il prenait tout entre les jambes. Même au filet ! Évidemment, il en ratait plein, mais ça le faisait rire lui et ses co-équipiers. Il faisait son show en quelque sorte. Je ne pense pas qu’il aurait fait ça avec quelqu’un de mieux classé que lui. 

En quelque sorte, il a sabordé l’échauffement ? 

Tout à fait, je n’ai pas pu vraiment m’échauffer. Et je n’ai pas pu vraiment apercevoir son niveau de jeu avant le début du match. Mais je me suis dit que s’il prenait tout ça à la légère, j’avais peut-être une chance. 

Il a continué à faire des "tweeners" pendant le match ? 

Dès que le match a commencé, il est devenu beaucoup plus sérieux. C’est lui qui a entamé la partie au service : il a fait un jeu blanc. Moi, j’ai réussi à gagner mes premiers jeux de service, mais à chaque fois plus difficilement que lui. Et à 4 partout, je me suis fait breaker. Il servait bien. Je ne touchais pas un caramel sur son service. Mais ce n’est finalement pas ça qui m’a le plus gêné... 

C’est quoi ? 

C’est le fait qu’il soit sorti brutalement du court à un changement de côté, à la fin du premier set. Je me suis d’abord dit qu’il allait chercher de l’eau, ou qu’il avait un besoin urgent d’aller uriner. J’ai regardé à ce moment-là mes co-équipiers, un peu incrédule. Même les autres joueurs de son équipe ne savaient pas ce qu’il était parti faire. Deux ou trois minutes sont passées. Puis on a entendu un bruit de moteur. En allant voir ce qu’il faisait, car on ne pouvait pas le voir depuis le court, mes collègues l’ont vu avec un autre type. Il était en train de faire essayer une débroussailleuse à un mec qui visiblement l’avait contacté sur internet. Son client faisait un essai avant de l’acheter. Il voulait voir si l’outil était en état de marche.   

Ça parait surréaliste...

Depuis le début de la journée, et même pendant le match, il était souvent sur son téléphone. Mais j’étais loin de me douter qu’il allait faire une transaction pendant le match. 

Combien de temps a duré l’interruption ? 

Une bonne dizaine de minutes. 

Que lui avez-vous dit à son retour ? 

Quand il est revenu, je n’ai rien dit. Il n’a rien dit non plus. Il ne s’est pas excusé... Rien ! C’était tellement incroyable qu’on a préféré en rire avec mes potes. Ils me disaient "C’est n’importe quoi !". Je n’avais même pas envie de lui en parler. 

Comment s’est terminé le match ? 

Quand il est revenu, il a repris tranquillement. Et j’ai perdu logiquement ce match, 6/4 6/3, dans lequel "Mr Bricolage" était bien meilleur que moi. Après la rencontre, il m’a quand même expliqué ce qu’il avait fait. Il m’a précisé qu’il avait prévu de laisser quelqu’un d’autre aller faire la transaction à sa place. Mais l’acheteur voulait voir le vendeur en personne. Je ne suis même pas sûr que l’acheteur était au courant que mon adversaire était en train de jouer un match de tennis !

Comment s’est finie la journée ? 

Il n’y a pas eu une très belle ambiance à la fin. J’ai de nouveau affronté "Mr Bricolage" un peu plus tard dans la journée, en double. Ils étaient assurés de gagner, ils menaient déjà 4-0. Et là, il nous a refait des coups entre les jambes, mais pendant le match. Il criait tout le temps. Mon partenaire de double, qui est moins conciliant que moi, lui a fait des remarques. Le repas qui a suivi la rencontre était un peu tendu. 

Vous repensez souvent à cet épisode ? 

Bien sûr. Je suis toujours un peu frustré. On en rigole avec mes potes, mais ils se moquent de moi. J’ai quand même perdu contre un gars qui a vendu une débroussailleuse en plein match ! 

Le juge arbitre était-il absent ? Car vous auriez peut-être pu réclamer une disqualification, même si ça n’aurait pas aidé pour l’ambiance... 

Oui, et mon entraîneur n’était pas là non plus. Je lui en ai parlé. Il voyait qui était mon adversaire. Il m’a dit qu’il avait l’habitude de faire le show, mais que c’était quelqu’un de sympa. Mais si à l’avenir quelque chose du même type se produit, je ne laisserai pas faire...   

Avez-vous vécu d’autres événements aussi étranges en match ? 

Non jamais. J’ai gagné un match après avoir été mené 6/1 5-3, mais cela était beaucoup moins étonnant que la débroussailleuse. 

Vous jouez à quelle fréquence ? 

Je joue tous les matchs par équipes, plus 5 ou 6 tournois par an en général. 

Quelle est votre idole en tennis ? 

(Sans hésiter) Rafael Nadal. Je regarde tous ses matchs. Je vais venir cette année à Roland-Garros pour la première fois. J’ai des billets pour le samedi de la première semaine. J’espère le voir !

Propos recueillis par Julien Pichené