Carré para : la fulgurante ascension d'Emy

E.B.

2 mai 2025

Jusqu'en fin d'année dernière, Emy Martins était une joueuse de club, passionnée et bien classée. En quelques mois, elle est devenue une championne de paratennis.

"Elle est tellement facile à vivre cette gosse..." Rosa Calvi Nouet, présidente de l’ES Raincy Tennis (Ile-de-France), ne cache pas sa tendresse lorsqu'il s'agit d'évoquer une de ses protégées, Emy Martins. La jeune fille originaire de Bondy est une fidèle du club de Seine-Saint-Denis depuis des années. Elle en est aussi une des vitrines depuis qu'elle a remporté le Masters France Sourds et Malentendants (équivalent du championnat de France chez les sourds) en octobre dernier.

Car Emy est malentendante, depuis toute petite. Son handicap, d'origine génétique, a été découvert à l'âge de quatre ans et demi. "Elle n'avait pas de troubles spécifiques mais certaines choses nous étonnaient : il fallait toujours parler plus fort et quand je conduisais, elle me demandait de me retourner pour comprendre ce que je disais..., explique Anne, sa maman. Elle avait développé le langage labiale, ce qui fait qu'elle n'avait pas de retard à l'apprentissage. Nous sommes allés voir des spécialistes à l'hôpital Necker qui ont pu démontrer l'origine génétique de son handicap. Elle est sourde moyenne et son état est stable". 

Ce handicap a bien sûr influencé la manière dont Emy joue au tennis. "J'ai toujours gardé mes appareils quand je jouais contre des valides, souligne-t-elle. J'entendais la balle, mais pas assez pour savoir si l'adversaire frappait une balle liftée, slicée, à plat... Quand on est malentendant, on utilise beaucoup les yeux, ils sont plus actifs que chez les autres. Mes yeux regardent donc toujours la raquette de la personne en face pour savoir quel effet elle va faire, et si ça va partir long de ligne ou croisé."  

© FFT / Cédric Lecocq

Emy avec Olivier Grave, lors de la remise des trophées du Masters Tennis Sourds et Malentendants 2024.

Toutes ces astuces, Emy les a utilisées depuis toute petite contre les "valides". Car pendant des années, Emy n'avait pas connaissance de l'existence d'un circuit réservé aux pratiquants paratennis. C'est presque par hasard qu'elle le découvre. "Son audioprothésiste est aussi celui qui appareille Olivier Grave, un des leader mondial du tennis sourds, se souvient sa maman. Ils ont discuté et elle a appris qu'un circuit pour les sourds et malentendants existait. Elle s'est inscrite à Sainte-Geneviève et pour sa première compétition dans cette discipline... elle a remporté le Masters !" 

Déjà une bonne joueuse sur le circuit classique (elle est actuellement classée 15 et a participé à des championnats 3e série jusqu'en demi-finales), Emy a un potentiel encore plus important en paratennis. Forcément, son succès au Masters lui donne envie de progresser vers le haut niveau. La jeune fille rêve d'ailleurs de participer un jour aux Deaflympics.

"Comme si le temps s'arrêtait"

Ce qui n'a pas changé pour Emy, qui passe son bac cette année, c'est sa passion pour le sport. Depuis l'âge de cinq ans, elle a découvert le tennis... et ne l'a jamais quitté. "Quand je joue, je ne pense à rien d'autre, confie-t-elle. Je joue juste pour le plaisir, je m'amuse. C'est comme si le temps s'arrêtait".

Extrêmement attachée à son club, la jeune fille a passé son CQP (certificat de qualification professionnel) à Raincy en mai dernier et compte bien s'inscrire au concours de DE (diplôme d'Etat) en septembre. "Emy est une jeune fille réservée, précise sa mère. Elle est dans son monde, peut-être le monde des sourds... Mais elle est aussi très responsable, elle conduisait déjà à l'âge de 15 ans, elle a ses objectifs, la tête sur les épaules. Et ce qui est sûr, c'est qu'elle adore le tennis. Pour ses 18 ans, nous lui avons offert des places à Wimbledon. Elle était enchantée".

© FFT

Sur les courts du prestigieux All England Lawn Tennis and Croquet Club !

"Emy est adorée au club où elle aide beaucoup en interne, renchérit la présidente. Elle participe à tous les matchs par équipes chez nous. C'est une fille sympa, vivante, qui adore donner des cours aux enfants". L'intéressée confirme. "J'aime bien observer leurs progression, trouver de nouvelles choses à mettre en place pour arriver à les faire mieux jouer."

En attendant de la voir peut-être un jour sous le maillot de l'équipe de France avec une médaille autour du cou, Emy s'épanouit dans son club de cœur et s'adonne à sa passion : jouer au tennis tout simplement.

© FFT / Cédric Lecocq