Pour Ugo Boyer, des épreuves à surmonter, des rêves à réaliser
E.B.
13 novembre 2025
Ugo, 15 ans, sourd de naissance, a remporté l'épreuve juniors du Masters France Sourds et Malentendants il y a quelques semaines. Mais au-delà de la victoire, le Varois a surtout retrouvé un équilibre grâce à la pratique du tennis.
En regardant attentivement le palmarès du dernier Masters France Sourds et Malentendants, passés les cadors français de la discipline (Mikael Laurent, Jennifer Lambert, Olivier Grave, etc.), on tombe sur un nom : Ugo Boyer. Ce joueur de la ligue PACA, licencié à Sainte-Maxime, a en effet remporté le tableau mixte juniors de la compétition disputée à Sainte-Geneviève-des-Bois, après une victoire en finale face à Iléana Durand.
Et les photos du tournoi ne trompent pas : Ugo était plus qu'ému en jouant ce dernier match. Car le jeune Varois, sourd de naissance, implanté cochléaire à l'âge de 22 mois, a enduré nombre d'épreuves dans sa vie. Mais le tennis lui fait un bien fou, et, à seulement 15 ans, il affiche de belles ambitions, professionnelles comme sportives. Son témoignage est très touchant.
Sa découverte du tennis
"C'était à l'âge de neuf ans, à l'école primaire. L'entraîneur du club du village où j'habite, Le Plan de La Tour, est venu faire des animations à l'école. Cela m'a plu et j'ai demandé à mes parents de m'inscrire au club. Les premières années, je jouais pour m'amuser. Puis à 12 ans j'ai commencé à vouloir m'investir davantage. Depuis l'année dernière, je suis au club de Sainte-Maxime, avec des ados de mon âge ou un peu plus vieux, et je suis coaché par mes entraîneurs Sébastien, Youlian (sur la photo, ndlr) et Alexandre."
© FFT
Ugo au club, entouré par ses coachs.
Un joueur talentueux... mais stressé
"J'aime le tennis car c'est un sport individuel. Tu es seul face à ton adversaire. Mon point fort c'est le coup droit. Mes points faibles sont le service et la gestion du stress pendant les tournois. Je me mets beaucoup la pression, je suis impulsif, car je veux absolument gagner, du coup je ne joue pas à mon vrai niveau et je ne monte pas en classement."
L'aventure Masters France
"Pendant le Master France sourd et malentendant, j'étais moins stressé. Il y avait un arbitre et des ramasseurs de balles. Et je jouais pour la première fois sans mon implant. L'ambiance était super, j'étais soutenue par plein de monde. Du coup je n'avais plus qu'à me concentrer sur mon jeu : et ça a marché !
Quand j'ai gagné le Master, j'étais super fier de moi. C'était la première fois que j'allais en finale et que je gagnais. Je suis content que ce tournoi sourd existe et grâce à cela on fait connaître notre handicap invisible que les gens ont du mal à comprendre."
La suite
"Depuis la compétition, je joue sans mon implant sur les tournois entendants. Ma mère ou moi briefons mon adversaire en lui montrant quelques signes pour "balle faute / bonne" et les scores. Le top serait d'avoir un arbitre qui signe pendant mes matchs de tournois entendants.
Mon premier objectif est de monter en classement et bien sûr jouer en équipe de France sourds mais pour le moment il n'y a pas d'équipe junior. J'aimerais aussi jouer à l'international. J'adore les voyages ! Mais pour cela il faut des sponsors pour financer les trajets et les inscriptions... "
Les mots de la maman, Isabelle
"Ugo est scolarisé en école classique avec accompagnement AESH et éducatrice spécialisée et neuropsychologue de l'URAPEDA (association sur la surdité) et suit deux séances d'orthophonie par semaine. Son planning est chargé. Étant sourd de naissance, implanté à deux ans, Ugo a un vrai retard de langage et donc de compréhension. Cela rend la communication aux autres et les apprentissages scolaires difficiles. Mais il s'accroche.
Jusqu'à l'âge de six ans, la sociabilité était compliquée en collectivité pour Ugo. Il s'est ensuite ouvert, essayant plusieurs activités : la batterie, le foot, le basket, le karaté... Puis est venu le tennis. Depuis la 4e (il est en 3e aujourd'hui), les difficultés scolaires sont plus présentes et l'intégration aux camarades de son âge est plus compliquée. C'est pour cela que le tennis est pour lui une vraie échappatoire. Au club, il échange facilement, surtout avec ses entraîneurs qu'il adore.
Ugo est le seul ado du club à faire trois entraînements dans la semaine : c'est un besoin pour lui. Avec ces camarades de jeu ça se passe bien. Pendant les entraînements, Ugo vit ses vrais moments de partage, de sociabilité. Le collège est pour lui synonyme de pression psychologique, de fatigue due à la concentration que les cours lui demandent et à l'environnement bruyant. Il a trouvé son équilibre : le tennis lui fait supporter ses difficultés d'ados sourd, un peu isolé. Cela lui évite de rester enfermé devant un écran.
Il ne lui manque qu'à prendre confiance en lui, à gérer son stress pour progresser dans le classement tennistique. Et de là, je pense que cette confiance acquise au tennis marquera un vrai tremplin dans sa vie au quotidien, le fera progresser dans le langage.
C'est un gamin attachant, sensible qui a toujours le sourire, malgré la prise de conscience des difficultés rencontrées à cause du handicap. Il est ambitieux, ne lâche rien, surtout au tennis malgré les échecs aux tournois entendants. Il garde son but en tête : monter dans le classement et devenir architecte. Le parcours sera sûrement peu classique, plus long que le parcours normal. Mais la motivation est là."














