Trois bonnes raisons de "matcher" dès le plus jeune âge

Rémi Bourrières

17 septembre 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous évoquons la compétition des plus jeunes, un sujet de longue date pour la FFT qui souhaiterait que les enfants fassent plus de matchs. Ce qui passe, déjà, par changer la représentation que l'on s'en fait.

D'abord, un chiffre : sur les quelque 250 000 enfants de 10 ans et moins licenciés à la FFT, 97 % ne font jamais de match. Et même moins chez les filles. "C'est un chiffre saisissant, qu'il nous faut absolument améliorer", expose en préambule Walter Gouy, chef de projet Ecole de Tennis à la FFT.

A ce titre, ce dernier a lancé depuis deux ans l'Optimisation de la Galaxie Tennis (OGT : programme fédéral pour les enfants de 3 à 10 ans), dont l'un des volets d'action a été la création de plateaux multi couleur qui permettent aux enfants, sur un même terrain découpé en différents espaces, d'alterner des ateliers d'apprentissage avec des matchs à chaque séance et dès la première séance, quel que soit leur niveau. Le match est la finalité de notre sport : telle la devise d’Olivier Letort qui a bâti tout son concept de Tennis Cooleurs – partenaire de l'OGT - autour du tournoi permanent.

Au-delà de la compétition "officielle" pour l'instant accessible à partir de 8 ans et sur format orange (c'est-à-dire un terrain de 18 m de long, un filet de 0,80 m de haut et des balles orange), les enfants ont donc l'occasion de "matcher" dès leur plus jeune âge. Ce qui ne peut être que bénéfique pour leur apprentissage et leur épanouissement, selon Walter Gouy. Et ce pour au moins trois raisons.

1/ Le match est un jeu, et les enfants veulent jouer

Compétition. Le mot peut faire peur, et surtout l'idée que l'on s'en fait, parfois associée à un examen ou à un stress. "L'un des freins principaux pour les enfants à faire des matchs, c'est surtout la représentation très formelle que nous, adultes, nous en faisons, estime Walter Gouy. Mais il faut se placer sous le prisme des enfants qui, eux, passent leur vie à faire des jeux dans la cour de récréation. Deux cartables leur suffisent pour faire un but. Et ils ont l'impression de faire la Coupe du Monde. Les études le montrent : la plupart sont en demande de faire des matchs quand ils s'inscrivent dans un club."

Pourtant, l'on y constate encore souvent une réalité un peu binaire : d'un côté, des enfants très entraînés qui font beaucoup de matchs ; et de l'autre, des enfants qui n'en font aucun. Pas de juste milieu. Le sens de la démarche de Walter Gouy est de réduire cette fracture. Au-delà de leur potentiel et de leur motivation, il s'agit avant tout d'enfants qui appartiennent à un même club, et qui sont mus par une même envie de jouer.

"Or, le tennis est un jeu et la définition d'un jeu, c'est l'opposition, poursuit le technicien fédéral. A nous de faire en sorte que ces oppositions soient bien emmenées, bien encadrées et quand c'est le cas, cela se passe très bien pour l'enfant. Si, à partir de 5-6 ans, il a pris l'habitude de faire des matchs durant ses séances, la transition se fera facilement quand il devra aller en faire un jour en dehors du cadre du club. Sinon, forcément, ce sera anxiogène."

La création des plateaux multi couleur évoqués plus haut a cette volonté de faire de l'opposition l'un des éléments moteurs d'une séance, avec des formats adaptés au niveau de chaque enfant. Le but est de démystifier le match, pour le ramener à l'état de ce qu'il est fondamentalement : un jeu, et rien d'autre.

© Cédric Lecocq / FFT

Les enfants se prennent au jeu du match.

2/ Le match est à la fois ludique, pédagogique et éducatif

Au tennis, il y a une part d'apprentissage technique indispensable, comme l'est le solfège à la musique. Mais, comme on vient de le dire, le tennis est un jeu avant tout, et c'est ce que recherchent en priorité les enfants. Or, dans la notion de jeu, il y a forcément une notion de match, avec un gagnant et un perdant.

Perdre… Le mot qui fâche est lâché, souvent jugé contradictoire avec le plaisir d'une pratique sportive. "Mais encore une fois, dans une cour de récréation, les enfants gagnent et perdent sans cesse. C’est une norme et ils le vivent bien, répond Walter Gouy. Au tennis, il faut aussi faire en sorte que le match devienne une norme dans l'enseignement. Car la réalité, c'est que le jeu est constitutif du développement de l'enfant : il s'épanouit parce qu'il joue, parce qu'il se confronte et c'est comme cela qu'il se construit."

Apprendre à "matcher" est une éducation. Apprendre à perdre aussi. On n'a encore rien trouvé de mieux qu'une défaite pour cerner ses axes d'amélioration. C'est ce que proposent les plateaux multi couleur en alternant matches et jeux d'apprentissage, où l'enfant a la possibilité de faire un atelier en lien immédiat avec ce qu'il doit améliorer.  

"Ainsi, il va petit à petit donner du sens à son apprentissage technique en le retranscrivant en situation de match, complète celui qui est à la tête des Ecoles de tennis depuis janvier 2023. Et puis, même s'il n'est pas celui qui a développé les meilleures qualités motrices, il finira par gagner des matchs et oublier ceux qu'il a perdus. La récurrence de la confrontation fait que l'enfant va la gérer de mieux en mieux."

Apprendre à gagner, et surtout à perdre : voilà pourquoi le tennis est l’une des meilleures écoles de la vie.

© PF / FFT

Défaite, victoire, qu'importe le résultat, un match peut donner à sourire.

3/ Le match suscite de la passion et peut-être des vocations

Le match, on l'a dit, est un vecteur d'engouement. Il est source de plaisir, de tristesse parfois, certes. Mais de progression, toujours. Autant d'émotions puissantes à même de susciter, chez l'enfant, de la passion, ou a minima de l'engagement. Ce qui pourra lui donner ensuite le goût de continuer.

"Pour augmenter les chances d'avoir plus de joueurs et de joueuses de haut niveau demain, il faut déjà avoir plus de compétiteurs à la base, expose Walter Gouy. C'est la raison pour laquelle je préconise de faire des matchs à chaque séance. Ainsi, même si un enfant ne fait pas de tournoi en dehors de son club, à la fin de l'année, il aura fait 30 ou 40 matchs, et ce bien avant 8 ans : plus tôt il commencera les matches, mieux il les gèrera plus tard."

Cela dit, tous les enfants n'adhèrent pas à l'esprit de compétition, ni à l'envie de disputer des matchs en dehors du cadre du club. L'optimisation de la Galaxie Tennis permet de les intégrer via un autre rôle : ramasseur de balle, arbitre ou encore coach junior pour aider à encadrer les plateaux multi-couleurs. "Les enfants peuvent ainsi se créer un réseau qui n'est pas uniquement défini par leur niveau de jeu, conclut le référent fédéral. L'écosystème devient beaucoup plus socialisant. En fait, il faut que ce soit la compétition qui s'adapte à l'enfant, et non l'inverse."

Et le match, parfois "tabou", redeviendra simplement ce qu’il a toujours été : le prolongement naturel du jeu.

© Cédric Lecocq / FFT

Le match suscite de la passion...