Comment faire de l'amortie une vraie arme ? Les 6 conseils de Pauline Payet

1 juillet 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", la joueuse française Pauline Payet, par ailleurs enseignante et créatrice de contenus, nous explique comment maîtriser l'art subtil de l'amortie, un coup qui fait appel tout à la fois à l'œil, à la main et au cerveau.

C'est une arme foudroyante et silencieuse. Une gifle déguisée en caresse, un geste subtil et spectaculaire. Pas forcément bien vue au début de l'histoire du jeu, car associée à une forme d'impuissance sinon de vice, l'amortie est devenue une composante essentielle du tennis moderne, remise au goût du jour par des joueurs comme Carlos Alcaraz, qui en est l'un des grands maîtres.

Pauline Payet, elle, considère l'amortie comme son coup préféré. L'ancienne 577è mondiale, qui continue d'écumer le circuit CNGT et qui est par ailleurs devenue une créatrice de contenus réputée – vous avez certainement vu ou entendu parler de sa série "Pauline vs men" diffusée sur sa chaîne youtube -, pratique un tennis varié dans lequel l'amortie est un gros point fort, dont elle se sert pour "casser" le rythme des échanges tout autant que les jambes de ses adversaires.

La joueuse d'origine réunionnaise, par ailleurs enseignante indépendante, est bien placée pour savoir que, chez les amateurs, l'amortie demeure un coup plus difficile d'accès, que beaucoup ne maîtrisent pas ou, parfois, n'osent pas tenter, considérant le risque trop élevé.

Cela vaut pourtant le coup d'essayer. Car au-delà de sublimer le reste de votre arsenal, l'amortie peut aussi vous permettre de vous affirmer mentalement. "Psychologiquement, on marque plus de points vis-à-vis de l'adversaire quand on réussit une amortie gagnante plutôt qu'un coup gagnant classique", estime la joueuse âgée de 30 ans, qui nous délivre ici ses six conseils pour faire de l'amortie une arme redoutable.

Conseil n°1 : bien choisir son moment

Plus que la qualité de l'amortie en elle-même, c'est son timing qui est primordial. "L'amortie est un coup d'attaque que l'on doit donc faire de préférence quand on est dans le terrain", rappelle Pauline. "Ensuite, rappelons aussi c'est un coup difficile. Souvent, il est plus judicieux de faire une accélération de coup droit "normale". Il faut donc bien la sentir et la tenter uniquement lorsque l'on sent que c'est le bon moment."

Logiquement, plus votre positionnement dans le terrain est avancé par rapport à celui de votre adversaire, plus le choix de l'amortie devient judicieux. Il l'est également si l'adversaire, sans être forcément très loin de sa ligne, est en tout cas sur le reculoir, en appuis arrières. Et bien entendu, si vous le sentez fatigué, moins explosif ou peu à l'aise dans le petit jeu, là encore, pas d'hésitation : une bonne "carotte", comme on disait naguère, a d'autant plus de chances d'être efficace. Et si elle ne l'est pas sur le moment, elle peut l'être au coup d'après.

Car l'amortie, ne l'oublions pas, est un poison qui étouffe à petit feu. Elle peut "payer" directement et/ou indirectement, en instillant le doute dans l'esprit adverse et en le plaçant en situation d'incertitude permanente.

© Corinne Dubreuil / FFT

Corentin Moutet a l'art et la manière de distiller des amorties au bon moment.

Conseil n°2 : sentir qu'on a le temps

Comme on vient de le dire, l'amortie est un coup d'attaque, donc un coup à jouer dans un état de confort relatif, jamais sous la pression. "Plus on a du temps, plus on a de chances de réussir son amortie, résume celle qui a gagné jusqu'à 2/6 au gré de sa série "Pauline vs men", qui l'a vue défier des hommes d'un niveau de classement crescendo. En ce sens, je déconseille d'utiliser trop souvent l'amortie face à des adversaires qui jouent vite et long. Pour les mêmes raisons, plus la surface est rapide, plus c'est difficile. La terre battue reste la surface la plus favorable pour l'amortie."

D'autant plus que la brique pilée favorise le ralentissement de la balle et même son "écrasement" vers le sol. Donc n'omettez pas de bien prendre en compte la surface, les conditions et le style de l'adversaire avant d'user de l'amortie.

Conseil n°3 : l'option à contre-pied paie souvent

Le choix de la zone, lui aussi, est capital. Il va bien sûr être dicté par le positionnement de l'adversaire mais il y a néanmoins quelques fondamentaux. "L'amortie fonctionne très bien à contre-pied, surtout sur terre battue, car elle oblige l'adversaire à courir à la fois latéralement et vers l'avant, souligne la Tamponnaise. Dans les autres cas de figure, je choisis plutôt l'option long de ligne, car la distance à parcourir de la balle est plus courte."

Novak Djokovic, par exemple, use le plus souvent de l'amortie de revers long de ligne, quand Carlos Alcaraz est plutôt adepte de l'amortie de coup droit décroisée à contre-pied. Ah oui, d'ailleurs, question importante : vous êtes plutôt amortie de coup droit ou de revers ? L'affaire est ici très personnelle, selon ses sensations, sa prise, etc. Mais sachez repérer votre côté préférentiel, si vous en avez un.

© Nicolas Gouhier / FFT

Novak Djokovic utilise souvent l'amortie de revers le long de la ligne.

Conseil n°4 : inutile de rechercher l'amortie parfaite

Encore une fois, l'efficacité de l'amortie ne dépend pas pleinement de son exécution. Bien sûr, une amortie parfaite, qui va littéralement "s'arrêter" dans le carré, sera plus spectaculaire et certainement plus jouissive. Mais le bénéfice-risque n'en vaut peut-être pas la peine.

"Quand je fais travailler l'amortie à mes élèves (oui car l'amortie est un coup qui, comme n'importe lequel, doit se travailler à l'entraînement !), je leur demande, selon le niveau, d'essayer de viser deux, trois ou quatre rebonds dans le carré. Si c'est le cas, on peut considérer que c'est une amortie réussie. En revanche, si le deuxième rebond est au niveau de la ligne de service ou au-delà, cela veut dire que la balle n'est pas suffisamment freinée."

Et pour que la balle soit suffisamment freinée, n'oubliez pas de rajouter un zeste d'effet rétro. Ce qui ne veut pas dire que le coup doit être joué en toute décontraction : l'amortie demande du toucher, d'accord, mais encore une fois, il s'agit surtout d'un coup d'attaque qui doit donc être joué en avançant, en "accompagnant" la balle.

© Julien Crosnier / FFT

Comme Hugo Gaston, pensez coup d'attaque lorsque vous distillez une amortie.

Conseil n°5 : masquez-là au maximum

C'est la base de l'amortie : il s'agit d'un coup un rien sournois qui, un peu comme le service à la cuillère, marche d'autant mieux lorsqu'il bénéficie de l'effet de surprise. Il s'agit donc de le masquer au maximum et la difficulté de cet exercice vient du fait qu'il nécessite quasi-obligatoirement un changement de prise, du moins en coup droit. 

"L'amortie de coup droit se joue avec une prise située entre la prise continentale et la prise marteau, ce qui correspond généralement à celle du service, expose Pauline. Or, très peu de joueurs utilisent encore cette prise pour un coup droit lifté. Il s'agit donc de changer de prise et le plus tard possible, pour masquer vos intentions."

Pas toujours une sinécure, reconnaissons-le. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles pas mal de joueurs préfèrent l'amortie de revers : la prise en revers slicé est naturellement plus proche de la prise nécessaire pour effectuer une amortie, ce qui supprime cette phase de "masquage".

© Cédric Lecocq / FFT

A l'image de Loïs Boisson, une amortie est d'autant plus payante quand elle est bien masquée !

Conseil n°6 : pensez au coup d'après

Pris par la concentration nécessaire à la bonne exécution de votre amortie, vous en avez peut-être oublié l'essentiel : le replacement !

"L'erreur que font énormément de joueurs est de rester sur place après leur amortie : si l'adversaire est dessus, ils se font souvent avoir sur une contre-amortie ou un passing, observe la n°40 française. Mon conseil est d'avancer dans le terrain, plus ou moins selon l'endroit où vous avez joué l'amortie. Plus vous l'avez jouée à l'intérieur du court, plus vous devez vous rapprocher vers le filet."

Sans oublier de vous déplacer aussi latéralement, pour boucher l'angle de riposte de votre adversaire. "Pour faire simple, il faut suivre la balle, conclut Pauline. De cette manière, vous serez prêt à toutes les éventualités." Et vous éviterez ainsi que votre nouvelle arme suprême se retourne contre vous…