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Le match de ma vie (10) : Andrew Sproule

Dixième épisode du match de ma vie : Andrew Sproule, qui s’est retrouvé un jour face à un des anciens héros de Roland-Garros lors d’un tournoi de club en Seine-Maritime...
Texte

Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez gagné un match en jouant pieds nus ?  Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).

Identité Andrew Sproule
Club : Tennis Club de Bihorel (ligue de Normandie)
Meilleur classement : 648e ATP
Année de naissance : 1965

Citation
En regardant le tableau, je vois qu’il y a... Andreï Chesnokov, ancien numéro 9 mondial !
Auteur
Andrew Sproule
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Quand et où a eu lieu le match de votre vie ?

C’était en 1999 en Seine-Maritime. J’avais déjà pas mal roulé ma bosse. Il m’était déjà arrivé d’affronter des joueurs qui, par la suite, allaient devenir très forts. Mais là, j’ai affronté un grand joueur en fin de carrière. Un ancien top 10. Un ancien demi-finaliste de Roland-Garros et ancien vainqueur du tournoi de Monte-Carlo (ndlr : en 1990).  En arrivant à l’USCB, je vois en lisant le tableau qu’Andreï Chesnokov était là... Le Russe était en fin de carrière mais il jouait encore des tournois ATP cette année-là. À peine un an plus tôt, il jouait encore à Roland-Garros (ndlr : il perdait au premier tour contre Francisco Clavet).

Et vous l’avez affronté ?

Je l’ai affronté, et... j’ai gagné. Et c’était super !

Avant d’en parler en détail, parlez-nous de votre parcours. Vous êtes Écossais, et vous vivez en France depuis longtemps. C’est bien ça ?

J’ai d’abord quitté mon pays pour faire Sport Etudes en Espagne. Ensuite, je me suis basé en France, à Paris puis en Seine-Maritime. J’ai joué beaucoup de tournoi satellites (ndlr : l’ancien nom des tournois Futures) en France et en Espagne. J’ai eu quelques points ATP : j’ai été 648è au classement ATP en 1988. J’ai plein de bons souvenirs... Et aujourd’hui, je suis prof.

Que connaissiez-vous de Chesnokov avant de vous retrouver face à lui en 1999 ?

Je l’avais déjà croisé en Suisse lors de la Coupe Borotra, une compétition de jeunes qui n’existe plus, à la fin des années 70. C’était lors d’une rencontre entre la Russie et la Grande-Bretagne. On est de la même année. Là, on avait 12 ou 13 ans. Je me souviens d’une scène fabuleuse : en arrivant, on voyait les russes corder leur raquette à la main. On rigolait en voyant ça. On s’est à ce moment-là qu’on allait les battre facilement ! Mais « Chesno » avait déjà un niveau dingue et il m’a mis 6/1 6/2.

Quel était votre classement quand vous l’avez « retrouvé » en 1999 à Bois-Guillaume ?

J’étais -2/6. Pour arriver jusqu’à lui dans le tableau, c’est-à-dire en demi-finales, j’avais battu notamment un -4/6 et un -15. J’avais gagné quatre matches au total. J’étais content de l’affronter. C’était la grande vedette du tableau.

Si vous ne l’aviez pas rejoué depuis la Coupe Borotra, vous avez eu sans doute l’occasion de le voir à la télévision ?

Bien sûr, notamment pendant Roland-Garros (ndlr : Andreï Chesnokov y a atteint les demi-finales en 1989, les quarts de finale en 1986 et 1988 et les huitièmes de finale en 1990 et 1995). Mais je me souvenais surtout de sa blessure en 1997, lorsqu’il s’est cassé la jambe à Philadelphie en plein match contre Todd Woodbridge. C’était une image terrible. Il ne pouvait plus marcher.

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Andreï Chesnokov, ex n°9 mondial
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Vous connaissiez aussi sa réputation de limeur du fond de court ?

Justement, à Bois-Guillaume, nous avons joué sur moquette. Ce qui était bien pour moi, même si j’ai également un jeu de rameur du fond. Mais sur terre battue, je ne sais pas combien de temps aurait duré notre match. Là, il a duré 3 heures ! Sur terre, il aurait peut-être duré une ou deux heures de plus.

Il y avait quelques spectateurs on imagine ?

Une centaine de personnes était présente en effet. Pour le club, c’était un petit événement. « Chesno » avait déjà joué un match avant, contre un -15. Il avait l’air en forme lors de ce premier match, mais contre moi, il était visiblement malade.

Aviez-vous un plan ?

Je connaissais bien évidemment son jeu pour l’avoir vu plusieurs fois à la télé depuis notre rencontre chez les jeunes. Je croyais le gêner en jouant sur coup droit. Mais ça a été plus compliqué que ça.

Mais ça a quand même payé !

Il a surtout été surpris de me voir courir partout. Je me suis bien arraché. Je ramenais tout. Et nous avons joué des échanges parfois très longs ! Je crois que Chesnokov était surpris de me voir courir partout pendant 3 heures. Il était un peu malade, il avait la grippe. Mais après un échange interminable, il semblait épuisé et s’est allongé sur le dos. Ça m’a fait drôle de voir ça. Après le match, il m’a même rendu hommage. (ndrl : interrogé par la presse locale après la rencontre, Andreï Chesnokov a confié : "Aujourd’hui, je suis tombé sur un joueur qui a été excellent. C’était une grande surprise pour moi de le voir courir, bouger et frapper avec autant de détermination pendant trois heures...").

Avez-vous échangé quelques mots après la rencontre ?

Oui quelques mots. Il est imposant. Il m’a impressionné. C’est clairement le meilleur joueur que j’ai affronté. C’était une surprise pour moi, cette victoire. Je jouais moins à cette époque. J’oscillais entre -2/6 et 0. Je commençais à donner des cours. Les tournois devenaient trop incertains pour moi. Donner des cours, c’était plus sûr.

Vous n’étiez pas trop fatigué pour la finale ?

En finale, j’ai affronté Cyrille Gesnot (ndlr : 975e mondial en 1996). J’ai gagné le premier set au tie-break avant qu’il ne quitte le court pour vomir. Mais quand il est revenu, je n’ai plus vu la balle. Il a gagné 6/7 6/2 6/0.

Quel week-end !

Quand on gagne, même si c’est long, on se sent bien physiquement. Pour la finale, ça allait. Mais trois jours après la finale, je ne pouvais plus marcher. C’est quand on perd que c’est dur.

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Vous avez disputé quelques tournois du circuit Challenger à la fin des années 80. Avez-vous affronté d’autres vedettes ?

J’ai affronté Jakob Hlasek lors d’une exhibition à Glasgow en 1989, quand j’étais numéro 1 écossais. Devant mon public. Le Suisse était dans le top 10. Quelques mois plus tôt, il atteignait les demi-finales du Masters. J’ai gagné le premier jeu du match. A ce moment-là, j’ai eu l’impression que le public pensait que je pouvais faire quelque chose… Mais j’ai perdu 6/1 6/0.

Jimmy Connors et John McEnroe disputaient également ce tournoi. J’étais fan de Connors, j’aurais adoré jouer lui. Je n’ai fait que taper quelques balles avec lui, à Londres. J’ai fait deux bandes de suite et il m’a insulté (rires). Mais le dernier jour à Glasgow, j’ai disputé la finale du double après Connors et McEnroe. J’étais fier de leur succéder sur le court. Surtout que les tribunes étaient pleines à craquer.

Et en double, qui avez-vous affronté ?

John Lloyd et Roger Smith en finale. Mais sur notre route, nous avons battu Patrick McEnroe et Horacio De Le Pena. Je faisais équipe avec Mark Blincow, ex -15 en France. Ils nous ont pris de haut au début. Ils rigolaient. Je les ai vus signer des autographes aux changements de côté. Mais bon, De La Pena n’était pas très bon en double. Et on a gagné !

Jouez-vous toujours des tournois ?

Juste des matchs par équipes. Mais je profite bien des cours de Rouen. Quand je donne des cours ou en matchs. Rouen est une belle ville pour le tennis. C’est pour ça que je suis venu en France : pour la qualité et la quantité des cours. J’ai très bien fait car j’ai rencontré ma femme dans un tournoi de tennis, à Rouen. On peut dire que le tennis a marqué ma vie !

FFT
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