Elle est en demi-finales à Roland-Garros et a déjà écrit une page d'histoire du tennis français. Avant de vivre ce conte de fées, Loïs Boisson est née au tennis à l'ASPTT Dijon et a grandi en tant que joueuse aux côtés de Patrick Larose, ancien CTR cadre d’état à la ligue de Bourgogne. Il se souvient d'une enfant douée, bosseuse, exigeante, nerveuse aussi. Il a évidemment apprécié son parcours...
"J'étais peinard à la retraite depuis 15 ans et d'un seul coup, pim ! On me sollicite de toutes parts, télé radio. J'ai l'impression d'être la vedette." Patrick Larose n'en revient pas du tourbillon médiatique qui l'entoure, lui le modeste formateur, ex-CTR à la ligue de Bourgogne, qui a pris sous son aile la jeune Loïs Boisson dès l'âge de 6 ans et demi. "Tout le monde veut savoir comment elle était enfant, comment elle jouait, comment elle se comportait. C'est vrai que c'est intéressant, c'est une belle histoire."
C'est à la vue de photos de Loïs à l'âge de 10 ans, lors des Interligues de Blois, qu'il se remémore les crises de stress de son ancienne élève. "Elle ne voulait pas partir en compétition sans moi à l'époque, j'étais donc à Blois, même si la capitaine était Hélène (Pierrel). Je me souviens qu'elle pleurait presque dès la première faute, qu'elle jetait souvent sa raquette, que sa frustration était grande. Cela traduisait une très grande exigence avec elle-même. En tant qu'enseignant, je lui disais évidemment de ne pas jeter sa raquette, mais je l'autorisais à le faire cinq fois par match, pas plus. Il fallait savoir comment la prendre. Elle était comme ça, et il fallait en tenir compte car c'était toujours contre elle-même qu'elle pestait. C'est une grande perfectionniste. Ce n'est pas forcément un défaut rédhibitoire à cet âge."
© Philippe Montigny / FFT
A Blois lors des interligues 10 ans, Loïs Boisson est entourée d'Eloïse Sapor et d'Emma Bergaire, avec leur capitaine Hélène Pierrel.
De ces championnats de France interligues 10 ans à Blois, Eloïse Sapor (à gauche sur la photo) se souvient de la 4e place de la ligue de Bourgogne mais aussi d'une certaine forme de rivalité qu'elle entretenait avec Loïs. "J'étais devant elle à l'époque, car j'étais plus puissante. Elle jouait déjà de la même façon qu'aujourd'hui, en construisant ses points du fond du court. Je me souviens qu'elle était très nerveuse sur le court. C'est super ce qu'elle a réussi à Roland-Garros. C'est impressionnant. Moi j'ai choisi une autre voie, je suis enseignante aujourd'hui. Bravo à elle !"
La troisième joueuse, Emma Bergaire, classée aujourd'hui 5/6 comme Eloïse, se souvient d'une camarade d'équipe "beaucoup moins souriante que ce je vois à Roland-Garros ! Loïs avait un fort caractère, on avait tous le rêve de devenir des professionnelles mais chez elle on sentait que le tennis, c'était très important. Elle avait un fort caractère, elle était davantage renfermée. Ça me fait bizarre de la voir à la télévision et de réussir tout ça. Je suis à fond derrière elle !"
© Philippe Montigny / FFT
A Blois comme ailleurs, Loïs Boisson a eu des moments dans son enfance de joueuse où elle ne parvenait pas à contenir ses larmes. La jeune espoir était très exigeante avec elle-même...
Patrick Larose salue l'environnement familial qui a permis à Loïs de s'épanouir malgré ces moments de nervosité, et même de souffrance parfois. "Sa maman (Christine) l'a bien aidée à se canaliser. Son papa (Yann) est un ancien basketteur de haut niveau passé par la JDA (Jeanne d'Arc Dijon Basket). Ils connaissaient tous les deux le haut niveau. On a toujours bien fonctionné ensemble. Petit à petit, elle s'est améliorée au niveau du comportement, elle a mûri. Mais je dois dire que son évolution est formidable. Je vois qu'elle boude encore quand elle fait une faute, mais ça n'a rien à voir avec son enfance... Il fallait positiver, elle n'était pas bienveillante vis-à-vis d'elle."
En ce qui concerne son jeu, le formateur se souvient d'une enfant qui avait le goût du jeu de tennis, mais aussi du travail. "Elle adorait faire des glissades quand on s'entraînait, elle en faisait pendant des heures, il fallait presque la freiner, elle s'amusait de ça. Dès que je l'ai vue en 2009, j'ai détecté un vrai talent, un phénomène. Eloïse Saport était plus forte à l'époque, mais je m'en fichais. Pour moi, les résultats étaient secondaires. Elle avait une qualité de frappe, une explosivité, une énergie... J'ai décidé de travailleur en solo avec elle avec l'accord de ses parents. Cela lui correspondait bien je crois et je défends le principe des structures individualisées chez les jeunes, surtout pour les filles. Son revers était meilleur à un moment, mais dans la gestuelle, son coup droit qui est devenue sa grande arme était construit dès 10 ans."
© Philippe Montigny / FFT
Le revers de Loïs était son point fort à 10 ans.
L'ancien coach de la demi-finaliste de Roland-Garros (en attendant mieux ?) va la suivre de près contre Coco Gauff dans les tribunes court Philippe-Chatrier. Il a gardé contact avec la maman de la nouvelle héroïne du tennis français, mais pas avec la joueuse. "C'est normal, elle est à fond dans son truc. Et elle a beaucoup changé de coach sur le circuit, ça ne me surprend pas, elle est comme ça, elle a besoin d'aller de l'avant et de découvrir de nouvelles choses sans revenir sur le passé. Je suis très fier de son parcours évidemment. Ça fait vraiment plaisir. Pour moi aussi, c'est un conte de fées. Je la félicite. Et je pense que ce n'est pas fini. Les journalistes me disent "elle va perdre au prochain match, c'est trop fort". Et bien non je leur dis qu'elle a encore ses chances. Contre n'importe qui."