Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous revenons aux bases et abordons un aspect fondamental du tennis : la longueur de balle, qui doit être une priorité absolue pour tous les joueurs, à tous les niveaux.
Dans ce tennis moderne où l'on vénère la puissance à tout crin et où l'on cherche à épater la galerie par des "trickshots" improbables qui tourneront en boucle sur les réseaux sociaux, on en oublie parfois l'essentiel. Jouer vite et fort, c'est bien. Mais jouer long, c'est mieux. C'est même fondamental.
Interviewée sur le sujet durant l'Open de Rouen, Elina Svitolina, qui a remporté cette saison ses 11 premiers matches sur terre battue sans perdre un set avant de buter en demi-finale du WTA 1 000 de Madrid face à Aryna Sabalenka, disait par exemple faire de la longueur de balle l'une des clés principales de l'efficacité de son tennis.
"Jouer long, c'est très important car cela permet de se protéger à l'échange et empêche l'adversaire de dérouler son jeu, nous expliquait ainsi l'épouse de Gaël Monfils. La longueur de balle est quelque chose que je travaille tous les jours à l'entraînement, avec des exercices simples durant lesquels je me concentre sur le volume et la précision de mes frappes."
Nous avons ensuite prolongé l'échange avec Bruce Liaud, qui est entraîneur depuis 17 ans au Pôle France de Poitiers. Avec les Lucas Pouille, Quentin Halys ou Ugo Humbert qu'il a vus passer hier dans la structure poitevine comme avec les Tristan Ducros, Arthur Poussin et Imanol Gosset dont il est référent aujourd'hui, il a appliqué la même recette : une insistance au quotidien sur la longueur de balle, "un point que je travaille parfois dès la première balle à l''échauffement."
Voici, avec lui, quatre moyens de progresser dans ce domaine essentiel.
© Andre Fereira / FFT
Elina Svitlona travaille régulièrement sa longueur de balle à l'entraînement.
1/ Mettre du volume et faire tourner la balle
Jouer à la fois long, vite et fort, c'est beau, mais c'est compliqué ; jouer long mais avec une frappe médiocre, ça n'a pas beaucoup d'intérêt non plus. L'enjeu est donc de trouver un compromis sécuritaire. "Le moyen le plus simple de trouver de la longueur, c'est d'abord de chercher de la hauteur, rappelle ainsi Bruce Liaud. Il faut mettre du volume en imprégnant une trajectoire montante et du lift à la balle. Ce type de balle, qui va gicler au rebond, sera toujours difficile à contrôler pour l'adversaire car elle va l'obliger à la jouer au bon moment. Alors qu'un coup à plat, plus rectiligne, peut être négocié à plusieurs endroits."
Ce qui ne veut pas dire bien sûr qu'il faut rechercher le lift et la longueur à outrance sur toutes les balles. Le but, après avoir repoussé l'adversaire, est de s'ouvrir ensuite toutes les zones du terrain, y compris des zones plus courtes. Mais la longueur de balle est une base solide derrière laquelle on peut se retrancher avant de passer à l'offensive.
© Julien Crosnier / FFT
L'époux d'Elina Svitolina, Gaël Monfils, sait mettre du volume et de la longueur dans ses frappes.
2/ Dessiner une trajectoire parabolique dont le sommet se situe au-dessus du filet
Observez les pros. On ne s'en rend pas forcément compte, mais ils prennent généralement beaucoup de marge par rapport au filet, même sur des surfaces rapides. En 2023, une étude menée sur le circuit ATP avait ainsi montré que la hauteur moyenne de la balle se situait à environ 70 cm au-dessus du filet. Ce qui laisse une certaine marge par rapport à cet obstacle qui se doit d'être facilement occulté.
"On voit d'ailleurs chez les pros qu'il y a assez peu de fautes dans le filet, fait remarquer Bruce Liaud. Ce sont des fautes un peu bêtes que l'on peut éviter en mettant cette fameuse hauteur à la frappe. Mettre de la hauteur, cela ne veut pas dire faire des balles en cloche. Parfois, 20 cm suffisent. En revanche, quelle que soit la hauteur que l'on met, il faut faire en sorte que le point le plus haut de la trajectoire de balle se situe au-dessus du filet."
Une trajectoire parabolique en quelque sorte, qui constitue un bon repère visuel à se fixer : si le sommet de la parabole se situe bien à l'aplomb de filet, la longueur de balle viendra naturellement.
© Corinne Dubreuil / FFT
Coco Gauff prend de la marge au-dessus du filet avec ce coup droit.
3/ Viser un contact de balle le plus long possible
Avoir une bonne longueur de balle implique plusieurs éléments imbriqués les uns aux autres : un bon transfert du poids du corps à l'impact, donc un bon moment de prise de balle (grosso modo, au niveau de la hanche), donc un bon jeu de jambes pour s'assurer des appuis parfaitement ancrés. Si cette chaîne est respectée, le joueur peut dérouler une frappe en toute fluidité avec cet objectif en tête : "Garder le contact de la balle le plus longtemps possible dans la raquette."
"Quand un joueur manque de longueur de balle, c'est souvent qu'il manque un de ces ingrédients, rappelle Bruce Liaud. Il peut y avoir aussi des petits détails techniques qui se sont dégradés, une prise qui s'est fermée ou autre chose. Il faut donc vraiment revenir à un travail très basique, des frappes dans l'axe à faible intensité, des appuis en ligne et un bon transfert de balle que l'on oublie parfois dans le souci de mettre du lift."
Bref, un retour aux choses simples qui peuvent s'évaporer dans les périodes où l'on manque de confiance. En cas de crise, se réfugier dans les valeurs sûres est toujours une bonne solution.
© Loïc Wacziak / FFT
Mira Andreeva sait garder le contact avec la balle dans sa raquette le plus longtemps possible comme l'illustre cette image.
4/ Travailler dessus quasiment à chaque entraînement
Répétons-le : la longueur de balle, ce n'est pas une fantaisie à laquelle on daignerait s'intéresser de temps à autre. C'est une priorité qui devrait pour ainsi dire être travaillée à chaque entraînement, comme on le fait chez Elina Svitolina ou au Pôle France de Poitiers.
Maintenant, comment travailler la longueur de balle ? "Il m'arrive très souvent de mettre un sur-filet à environ 70 cm et des lattes jaunes positionnées entre la ligne de fond de court et la ligne de service, révèle Bruce Liaud. Sinon, je mets uniquement des plots que je positionne à ce moment-là plus près de la ligne de fond, à environ 1 m. Il n'est pas la peine de chercher des exercices très compliqués. Comme le montre Elina Svitolina, les pros font souvent des choses très simples. Mais ils le font très bien."
Comme souvent au tennis, ce sont les choses simples qui fonctionnent le mieux, à condition d’y mettre l’intention, la rigueur… et la répétition. La longueur de balle ne suffit pas, bien sûr. Mais elle est "un gage de fiabilité, qui permet au joueur, s'il la maîtrise, de se sentir costaud mentalement", conclut l'entraîneur fédéral. Peut-être pas le plus spectaculaire. Mais le plus efficace, assurément.
© Sylvie Grunyk / FFT
Bruce Liaud prodigue ses conseils à Poitiers et aussi avec les jeunes équipes de France en tant que capitaine.