Trois clés pour oser (et réussir) le service-volée

1 octobre 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous avons parlé service-volée avec Pierre-Hugues Herbert, l'un des derniers grands spécialistes de la discipline au plus haut niveau.

Le constat est implacable depuis de longues années : le service-volée, autrefois majoritaire jusque dans les années 70, est en voie de raréfaction et même de disparition chez les professionnels. Par voie de conséquence, il l'est aussi chez les amateurs puisque, d'une certaine manière, le tennis de club est fortement influencé par celui qui se joue au plus haut niveau.

 Pourtant, les facteurs qui ont conduit à cette évolution sur les circuits ATP et WTA, à savoir une ultra-puissance du fond de court et une précision dans les passings qui compliquent la tâche des serveurs-volleyeurs, sont moins valables jusqu'à un certain niveau. Pratiquer le service-volée épisodiquement voire systématiquement peut donc toujours s'avérer très judicieux pour le compétiteur éclairé.

 Nous en avons ainsi discuté avec Pierre-Hugues Herbert, l'un des derniers descendants des serveurs-volleyeurs au plus haut niveau, qui nous a donné au passage quelques clés pour celles et ceux qui voudraient s'orienter vers ce style de jeu aussi raffiné que prestigieux.

1/ Oui, ça marche (encore !)

C'est souvent le frein principal de celles et ceux qui sont attirés par le service-volée sans trop oser le mettre en pratique : la peur de se lancer dans un style de jeu devenu inefficace, et qui pourrait donc se retourner contre eux.

 "Mais le service-volée reste une arme importante, y compris à haut niveau où on en voit d'ailleurs un peu plus aujourd'hui qu'il y a quelques années, notamment contre des joueurs qui retournent de loin, rappelle Pierre-Hugues Herbert. Chez les meilleurs, il est plutôt utilisé en variations et moi-même, je le fais beaucoup moins en seconde balle. Mais chez les amateurs, selon les profils et les identités de jeu, c'est un style qui peut encore avoir sa place."

 Le service-volée est un style de jeu risqué qui, par définition, demande un esprit aventurier, voire anti-conformiste. Le simple fait de décider de devenir un serveur-volleyeur, un art qui ne s'improvise pas (on va y venir), demande de l'audace.

 "Effectivement, il faut du courage pour décider de devenir serveur-volleyeur, confirme "P2H" qui s'est orienté très tôt dans cette voie sous les conseils de son père (son premier entraîneur). Il faut aussi être courageux pour le mettre en pratique car on sait qu'on va encaisser beaucoup de passings et de retours gagnants. Quand on est serveur-volleyeur, on est un peu dans le rôle du gardien de but face au tireur de pénalty. Le but, c'est de rentrer dans la tête de l'adversaire pour lui donner l'impression de ne plus savoir par où passer."

 La première des choses à savoir pour faire service-volée, c'est donc sûrement celle-là : avoir les qualités physiques adaptées bien sûr, mais surtout avoir l'état d'esprit adapté : audacieux, téméraire et persévérant.

© Cédric Lecocq / FFT

Ben Shelton est l'un des meilleurs mondiaux qui pratique le plus souvent le service-volée. Un joueur qui aime le risque !

2/ Service et première volée : un duo indissociable

Service-volée. La présence du trait d'union entre les deux mots a toute son importance : il ne s'agit pas d'un service puis d'une volée, il s'agit d'un service et d'une volée rattachés l'un à l'autre, un et indissociable. C'est toute la subtilité et la difficulté de cet art : s'assurer d'une qualité de service suffisante pour ne pas s'exposer à un retour cinglant, tout en se donnant le temps d'arriver au filet dans les meilleures conditions.

"Il est très important de mettre de l'impact sur son engagement pour ne pas monter en "chaussettes" mais le but, c'est aussi d'être le plus près possible du filet pour jouer sa première volée, résume l'ancien n°2 mondial de double. C'est la raison pour laquelle les serveurs-volleyeurs ne servent pas forcément à pleine puissance mais choisissent souvent de mettre pas mal d'effets, car cela leur permet de se donner plus de temps. Et il faut aussi savoir créer de l'incertitude chez le relanceur, d'où l'intérêt de varier au maximum."

Impossible, pour le serveur-volleyeur, de ne pas songer à son deuxième coup de raquette en exécutant le premier, car son déplacement vers le filet va forcément dépendre de la zone trouvée sur son service, selon la fameuse théorie des angles. Mais exécuter un coup tout en songeant au suivant peut aussi nuire à son efficacité, d'où l'importance de trouver le bon équilibre.  

"C'est un piège dans lequel il m'arrive encore de tomber moi-même, reconnaît le Strasbourgeois. Parfois, je veux aller trop vite au filet donc je me précipite un peu et je ne "termine" pas suffisamment mon service. Pour y remédier, j'essaie déjà de bien me concentrer sur le lancer de balle et sur l'exécution de mon geste, avant de penser à la suite."

Mais la suite, cette fameuse première volée, reste forcément dans un coin de la tête. Si le service du serveur-volleyeur n'est pas exécuté de la même manière qu'un service "classique", la volée – surtout la première –n'est pas exécutée non plus de la même manière qu'une volée de finition. Selon la qualité du retour, elle n'aura pas forcément vocation à être gagnante mais participera plutôt au travail de sape de l'adversaire en étant jouée courte, à contre-pied ou côté opposé, selon le cas.

"La volée dans le cadre du service-volée doit être travaillée de manière très spécifique, loin des gammes de volée traditionnelles, car c'est un coup qui demande beaucoup de coordination", synthétise l'international tricolore, qui a lui-même passé d'innombrables heures à effectuer des exercices imaginés par son père.

© Corinne Dubreuil / FFT

Comme Carlos Alcaraz, en gagez-vous dans votre service que vous avez décidé de suivre au filet !

3/ Attention, cocktail explosif !

Le service-volée est un style de jeu spécifique, qui demande des qualités spécifiques. Pierre-Hugues insiste notamment sur l'importance de la coordination, mais aussi de l'explosivité. 

"Comme on l'a dit, il faut jouer sa première volée le plus près possible du filet et pour cela, il faut arriver à jaillir très rapidement après la réception du service, explique celui qui a aussi gagné quatre titres en simple sur le circuit principal. Il faut donc lancer sa balle plus devant pour être déjà bien à l'intérieur du court après le service, tout en gardant son équilibre pour être très efficace sur ses premiers pas. Cela demande une coordination particulière dans l'enchaînement des mouvements."

De la coordination et, donc, beaucoup d'explosivité. L'occasion d'ailleurs de tordre le cou à une idée reçue. Si les échanges joués par les serveurs-volleyeurs sont plus courts que ceux des joueurs de fond de court, l'effort reste tout aussi fatigant. Sinon plus, car il est plus violent.

"On dit parfois que les serveurs-volleyeurs font ça parce qu'ils n'ont pas de physique, je peux vous assurer que c'est faux !, s'amuse celui qui a gagné tous les Grands Chelems en double aux côtés de Nicolas Mahut. C'est juste que c'est un effort différent, qui s'apparente plus à un enchaînement de sprints qu'à un marathon. Dans certains cas, le serveur-volleyeur a fait plus de distance à la fin de son match que le joueur du fond de court."

L'entraînement physique que vous mènerez, le cas échéant, pour devenir serveur-volleyeur devra donc être effectué à dessein, davantage basé sur la vitesse pure et l'explosivité que sur l'endurance ou la force. Jusqu'au bout, vous cultiverez votre singularité. Le chemin qui mène à la voie royale du service-volée est souvent diablement escarpé. Mais si vous osez l'emprunter, il peut (encore) vous mener très loin…

© Julien Crosnier / FFT

Travailler votre explosivité, à l'image de Giovanni Mpetshi Perricard.