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La Fédération

Aurore Ughetto : "Le tennis a toujours été un jeu"

Dans cette rubrique, on vous emmène à la rencontre d'anciens champions de France reconvertis loin du tennis. Pour ce 4e épisode, retour sur le destin d’Aurore Ughetto.
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Championne de France 13/14 ans en 2003, l’Ardéchoise n’a jamais percé sur le circuit professionnel, mais n’en éprouve pas le moindre regret : si elle aime toujours autant le tennis, elle s’épanouit pleinement dans son métier.

 

Pour comprendre la relation entre Aurore Ughetto et le tennis, nul besoin de fouiller dans les antécédents familiaux ; de chercher un grand frère ou une grande sœur si douée que l’on veut absolument imiter. Il suffit de comprendre que le hasard fait parfois bien les choses.

Alors qu’elle est en classe de CP, la jeune fille découvre le tennis car un court se situe juste à côté de son école. "Je pense que j'ai été douée assez vite avec une raquette et le fait d'être toujours la meilleure étant jeune m’a motivé à continuer les entraînements", se remémore-elle.

La jeune Aurore commence au Vallon Pont d’Arc TC mais part vite au club de Joyeuse-Laurac, l'entraîneur et la structure y étant plus adaptés. Très vite, elle enchaîne les victoires dans les tournois locaux puis les championnats départementaux.

En quelques années, elle se hisse sur le podium des deux ou trois meilleures joueuses de sa région. "Et puis à 10 ans, aux championnats de France à Blois, je suis même la meilleure régionale. J’adorais cette ambiance : partir avec la ligue, jouer des championnats, participer aux tournois juniors ITF... C'est une ambiance que je préférais même à celle de l'école".

FFT / Clément Mahoudeau
Aurore Ughetto n'a pas dit complètement adieu au tennis aujourd'hui.
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Sommet national mais priorité aux études

La consécration suit peu après. En 2003, l’Ardéchoise atteint les sommets nationaux en remportant les championnats de France 13/14 ans. Un accomplissement autant qu’une sacrée surprise.

"C’était une émotion très forte que je n'oublierai jamais. Je n'étais pas la favorite, personne ne m'attendait. Même moi je n'y croyais pas trop. Tout est encore très clair dans ma tête. En quarts, je bats Sherazad Benamar puis Noémie Scharle en demies, en trois sets. En finale, il est facile de se rappeler de l’adversaire et du score : Alizé Cornet, 6/0, 6/1".

Extrait de l'article paru en juillet 2003 dans le mensuel de la FFT, Tennis Info.
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À noter que la jeune Alizé, alors terrassée par ses émotions ce jour-là, ne tardera pas à prendre sa revanche sur le destin en décrochant le titre national dès l’année suivante. En revanche, pour Aurore Ughetto, la suite sera moins fructueuse en termes purement sportifs. Étant donné son excellent niveau, la joueuse rentre dans le giron fédéral. Mais plusieurs blessures freinent sa progression et elle ne reste qu’un an et demi à la FFT.

"Je me suis rendue compte que j'aimais le tennis, mais que je n’avais jamais eu l’intention de tout lâcher pour ce sport, relève-t-elle. Mon éducation étant très axée sur la scolarité, je savais que mon métier serait issu d’un cursus scolaire. Je crois d'ailleurs que ça a été des clefs de mon amour pour le tennis : je ne me suis jamais mise la pression. J'ai toujours été bonne à l'école, qui est un pilier pour moi, et je savais que ma vie serait liée à mes résultats scolaires".

Objectif médecine

Aurore continue néanmoins en sport-études jusqu'au bac. Elle s’entraîne trois ou quatre fois par semaine et conserve un classement négatif. Cependant, tout est clair dans sa tête : aucun objectif professionnel à suivre dans le tennis, juste du plaisir à prendre. "J'aimais retrouver les copains en tournois. Après Paris, j'ai intégré mon centre régional à Grenoble et j'ai retrouvé une équipe filles avec mon niveau. Pour moi, le tennis a toujours été un jeu. À Roland-Garros, au CNE, c'était… trop intensif. Et quand j'ai intégré une structure avec études le matin et sports l'après-midi, j'arrivais mieux à trouver mon équilibre. Et c'est là où je me sentais la meilleure".

Sans oublier sa passion sportive, celle qui évolue alors au Grenoble Tennis choisit de suivre des études poussées dans la filière médicale. La décision est mûrement réfléchie. "Quand j'ai gagné les championnats de France, j'ai été interviewée par un journaliste qui m’a demandé mon objectif dans la vie et j'ai répondu : être médecin… Mon entraîneur avait râlé, rit-elle. Mais pour moi, c'était une évidence d'entamer une carrière médicale".

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À 34 ans, Aurore Ughetto est aujourd’hui chef de clinique, anesthésiste réanimateur en cardio-thoracique au CHU de Montpellier. Elle se dirige vers une carrière de professeur hospitalo-universitaire, qui lui offrirait une double casquette recherche – enseignement. Le métier la passionne et la stimule. Et pas le moindre regret ne l’effleure concernant une hypothétique carrière professionnelle avec une raquette dans les mains.

"Quand je vois ma vie aujourd'hui, je ne regrette rien. Je m'épanouis énormément, j'adore mon métier. Tous les sacrifices consentis pour en arriver là, toutes les heures de travail, de révision et de stress… Je n'étais pas capable de le faire pour le tennis.

Ce n'était pas le fait de partir de chez moi si jeune qui m'a déstabilisé, mais de s'entraîner six heures par jour et en contrepartie de n'avoir qu'une heure et demi de cours. L'équilibre était trop précaire. Ça me mettait trop la pression pour réussir dans le sport. Aborder le tennis avec plus de légèreté m'a beaucoup aidé".

Pour Mathieu… et les nouvelles générations

Si le choix de la médecine répondait à une ancienne envie, celui de la spécialité - l'anesthésie en réanimation cardiaque – découle d’un hommage à une figure du tennis français, trop vite disparue. Un espoir bleu fauché par une crise cardiaque alors qu’il n’avait que 24 ans. "Je me suis dirigée vers cette carrière-là en lien avec le décès d'un ami très proche : Mathieu Montcourt. C'est pour lui que j'ai choisi cette spécialité".

Mais dans tous les cas, n’allez pas croire que le tennis est de l'histoire ancienne. Aurore Ughetto reconnaît volontiers ne pas suivre le circuit professionnel et elle aurait bien de la peine à citer le top 10 WTA. Mais la passion est toujours présente, les valeurs inhérentes à ce sport restent gravées en elle.

"Je n'ai jamais arrêté. Je suis maman de deux petits garçons, le premier qui a trois ans et demi joue déjà au tennis. J'ai envie d'une de partager ça avec lui mais surtout qu'il vive ce que j'ai pu vivre. Je n'ai que des bons souvenirs de mon expérience en tant que joueuse. Le tennis est un sport vraiment complet. Il apporte une musculature, de l'endurance, mais aussi une intelligence tactique, de la jugeote...

Plus le côté mental qui reflète ce qu'est la vie selon moi : quand on perd un point, il faut se relever pour aller gagner l'autre. C'est un sport complet pour réussir dans la vie. C'est pour ça que j'ai mis mon enfant au tennis : non pas pour qu'il devienne professionnel, mais pour qu'il apprenne ces valeurs..."

(Emmanuel Bringuier)

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