Mathieu Guegano : "Juste pour cette victoire, ces 14 ans d'entraînement valaient le coup"
E.B.
28 novembre 2025
Le 16 novembre, Mathieu Guegano a remporté pour la première fois un Sand Series, l'équivalent des Grand Chelem en beach tennis. Un titre conquis à Aruba, avec le Brésilien Gustavo Russo. Le Français évoque pour nous ce qu'il qualifie "de rêve d'une vie".
Mathieu, quel était ton état d'esprit en arrivant au Sand Series d'Aruba ? Est-ce que tu pensais pouvoir gagner ce tournoi ?
Franchement... pas du tout. Ça fait à peu près 14 ans que je joue au beach tennis, j'ai participé à énormément de Sand Series, et je n'avais jamais fait mieux qu'un deuxième tour ici. C'est un tournoi avec beaucoup de vent, où les balles sont assez différentes aussi. La semaine d'avant, avec mon partenaire, on avait perdu rapidement et notre association a été remise en question.
Donc quand j'ai atterri à Aruba, je n'avais pas l'idée d'aller au bout. Je voulais donner mon meilleur. Mais de là à gagner... L'envie est toujours là bien sûr, mais quand tu as participé à cent Sand Series dans ta vie et que tu n'en a gagné aucun, tu as du mal à te projeter sur une victoire finale.
Qu'est-ce qui a changé alors durant ce tournoi ?
(Il réfléchit). Je pense que c'est la manière d'aborder la compétition. Avant, je me concentrais toujours sur la tactique et la technique. Sur ce tournoi, j'ai essayé de changer d'état d'esprit et de me préparer mentalement. Je me suis dit : "Sois courageux, audacieux et prends ton temps dans les moments importants." C'est ma copine qui m'a dit de faire ça. Ça parait simple mais finalement, ce sont peut-être les choses simples qui fonctionnent.
En demies, il y a eu un match très serré, remporté au super tie-break contre les Brésiliens Fabricio Neis / Allan Oliveira (1/6, 6/2, 12-10). C'est un déclic ?
Complètement. Il y avait 6/1, 2-0, on était proches de perdre. Ils étaient très bons en défense, j'avais peur de me faire contrer. Et dans ma tête, je ne me croyais pas assez fort pour ne pas me faire contrer. J'ai dit à mon partenaire : "Je suis en train de faire quelque chose qui ne me parle pas, je ne fais que m'adapter à leur jeu."
J'ai décidé de changer, d'imposer notre rythme et d'être très agressif, quitte à rater. Je me suis dit qu'il valait mieux s'appuyer sur nos forces et ne pas toujours s'adapter aux autres. J'ai été plus relâché, j'ai pris des risques. Il y a eu plus de fautes, bien sûr, mais aussi beaucoup plus de points gagnants.
Derrière, en finale (contre d'autres Brésiliens, Victor Amorim Gonzaga / Marcelo Reck, ndlr), le souvenir de la demie m'a beaucoup aidé, je me sentais plus confiant. On était plutôt favoris de cette finale sur le papier. J'ai essayé de ne pas penser que c'était une occasion peut-être unique dans ma carrière, mais plutôt de me focaliser sur des choses positives.
Depuis combien de temps joues-tu avec ton partenaire ?
C'était notre cinquième tournoi ensemble. J'étais normalement engagé avec un Italien pour toute l'année, mais il m'a "lâché" au moment de faire les Mondiaux. J'ai demandé à Gustavo et il était ok. On a atteint une demie et une finale avant d'avoir des résultats assez mauvais derrière. D'où la remise en question de notre association.
Les semaines précédentes, il était très négatif, il râlait beaucoup sur mes fautes, sur les siennes aussi. Moi, je suis quelqu'un d'assez positif et je sentais que nous n'avions pas la même énergie sur le terrain. Je trouvais qu'il s'énervait trop.
Mais à Aruba, tout a changé. Il a été très positif. Par exemple, en demies, j'ai fait un très mauvais premier set mais il m'a encouragé tout le temps. Ensuite, j'ai joué un excellent deuxième set, lui restant toujours constant.
Est-ce un rêve de remporter enfin un Grand Chelem du beach tennis ?
Oui... C'est le rêve d'une vie. J'utilise le mot rêve, car ça me paraissait pas atteignable avant. Aruba est le meilleur tournoi au monde niveau atmosphère. Quand je regardais les finales ici, en tant que spectateur, je me disais que ce serait exceptionnel de pouvoir vivre ça sur le terrain. C'est pour ça que j'ai essayé de prendre du plaisir pendant ce tournoi, d'oublier que je ne pouvais pas contrôler la victoire ou la défaite, mais juste d'apprécier l'engouement, la musique...
Et à la fin : bonheur, joie, incompréhension presque... J'ai mis du temps à réaliser que j'avais gagné ce tournoi. J'attendais ça depuis tellement longtemps. J'ai engrangé de la confiance, car j'ai compris que j'en étais capable. Je suis sûr que ça va m'aider pour la suite.
Au début de l'année, je me posais des questions sur ma carrière : j'ai 30 ans et dans le beach, on ne gagne pas énormément d'argent. Finalement juste pour cette victoire, là, ces 14 ans d'entraînement, ça valait le coup.
Le meilleur joueur français, Nicolas Gianotti, est installé au Brésil, pays qui accorde une large place au beach tennis. Toi, quel est ton quotidien sur le circuit ?
J'ai aussi choisi le Brésil. Je suis né à la Réunion et j'y suis resté jusqu'à mes 21 ans. Après, je suis parti à Bordeaux m'entraîner pendant sept ans avec Jérôme Maillot. En septembre 2024, j'ai décidé de m'installer au Brésil. Je ne voulais rien regretter, ne pas me dire que je n'avais pas tout donné pour mon sport. Beaucoup de tournois sont ici, les sponsors aussi.
J'habite vers Sao Paulo, à une heure du centre-ville environ, proche de la ville de Campinas. Je m'entraîne dans un club qui s'appelle le Pinheirinho. C'est un endroit fantastique : il y a un nutritionniste, un préparateur mental, un prépa physique... et énormément de joueurs. Le niveau est très haut. Le club me paye mon appartement et je peux m'entraîner avec plein de très bons joueurs. J'ai un aéroport à 15 minutes de chez moi, c'est idéal quand on voyage tout le temps. Il manque juste la mer (rires).
Quelles sont les prochaines étapes ?
En fin d'année, je vais retourner à la Réunion pour des vacances. Mais d'abord, il y a les Mondiaux par équipes, du 9 au 14 décembre. Chez les garçons, il y aura "Nico" Giannotti, Paul Gotarda, moi et "Max" Moretto en quatrième homme. Les filles seront aussi présentes. Le format est : un match masculin, puis un match féminin et un mixte en cas d'égalité.
On rêve de ce titre depuis hyper longtemps. Depuis que je le joue, on n'a jamais fait mieux que quatrième. Gagner en équipe de France, ce serait encore plus beau que de gagner en individuel. C'est un rêve de faire un podium, voire de gagner les Mondiaux. Puis jouer avec "Nico", c'est toujours plaisant. On a une très bonne entente aussi avec les filles, on partage tous de bons moments. Ce serait un feu d'artifice.











