L'interview croisée de Lola Barrau et Ksénia Chasteau

23 janvier 2024

L'interview croisée de Lola Barrau et Ksénia Chasteau

Elles sont le visage du renouveau français dans leur discipline respective. Lola Barrau, 20 ans, n°1 française de beach tennis, et Ksénia Chasteau, 17 ans, n°1 mondiale juniors de tennis-fauteuil, se sont retrouvées pour un entretien croisé. Elles évoquent leur actualité, leur préparation, mais aussi le travail à fournir pour faire rimer carrière de haut niveau avec études.

Lola Barrau : Quand j'ai vu que j'avais une interview avec Ksénia, j'ai regardé sur Internet pour voir son visage. Mais non, je ne la connaissais pas.

Ksénia Chasteau : Je confirme que non, on ne se connaissait pas avant !  

Lola : Je suis en pré-saison jusqu'à mi février. Je ne suis pas si souvent chez moi, à Toulouse, donc j'en profite pour faire beaucoup de physique, beaucoup d'entraînements. Avec mon entourage, on essaye aussi de mettre en place des ajustements techniques, car le temps manque quand la saison est lancée. 

Je mets aussi à profit cette période pour mettre l'accent sur les études. Je vais reprendre le circuit aux Açores du 16 au 18 février. Je partirai ensuite au Brésil pour une grosse tournée d'un mois.

Ksénia : J'étais en pré-saison aussi : deux mois de prépa, mentale et physique. Comme dit Lola, pendant ces périodes, on essaye de faire certaines choses impossibles à mettre en place lorsque la saison commence.

Je ne participe pas à l'Open d'Australie, car ils n'ont pas de tableau juniors et je ne suis pas qualifiée pour le tableau principal. En revanche, j'ai hésité à faire une tournée australienne en janvier, mais je voulais donner la priorité aux études et à la prépa physique.

Je reprends réellement le circuit en février, à Bolton. Je vais faire encore un peu de juniors cette année pour défendre mes points et ma place de n°1. Mais je vais surtout jouer sur le circuit féminin principal. 

Lola : Ce n'est pas facile ! Je suis des études de kinésithérapie et c'est un métier très pratique du point de vue de la formation. Il y a beaucoup de présentiel. Heureusement, je bénéficie d'aménagements qui m'aident à concilier les deux.

Le rythme est élevé. Quand je suis à Toulouse, les études me prennent beaucoup de temps. Par moments, je mets plus l'accent sur le sport, à d'autres moments, je me consacre davantage aux études. Il faut jongler dans l'emploi du temps, mais pour le moment ça va. 

Lola : Je suis en première année : j'ai eu le concours l'année dernière. C'est quelque chose que je veux faire depuis la 3e, j'ai vraiment des certitudes sur cette orientation. J'étais déjà très contente d'avoir le concours. Et là, de voir que ça me plaît, que j'apprécie l'environnement, les gens... c'est un vrai soulagement. Je sens que je suis sur la bonne voie.

https://www.fft.fr/actualites/carre-beach-lola-barrau-vise-les-sommets

Ksénia : Pour ma part, je suis en terminal STSS, avec des spécialités en biologie et physique-chimie. C'est drôle car, comme Lola, je voulais être kiné et psychomotricienne, en tout cas travailler dans le paramédical. Mais avec mon accident, j'ai rencontré tellement de kinés que j'ai voulu m'éloigner du corps médical.

Maintenant, Parcoursup vient de s'ouvrir et je dois remplir mes premiers vœux. Je vais m'orienter sur la psychologie, le social ou éducatif. Donc il y a trois idées principales ! J'aimerais bien travailler sur l'aspect mental. J'ai passé beaucoup de temps à l'hôpital, et je me suis rendue compte que la psychologie était une donnée très importante.

Et effectivement, ce n'est pas facile de concilier les deux, sport pro et études. C'est surtout beaucoup d'organisation. Ça m'a aussi influencé dans mon choix de changer d'orientation. Je voulais aller dans le paramédical mais j'avais cette crainte de devoir être tout le temps présente. Je me suis dit que ça allait être compliqué avec cette carrière sportive qui s'annonce longue.

Ksénia : Je suis déjà suivie par rapport à l'accident que j'ai eu. Je fais de la préparation mentale et j'ai remarqué que ça me passionnait, que je comprenais très vite les différents éléments autours de ces questions. J'ai essayé la visualisation, la sophrologie, la méditation, j'ai lu pas mal de livres pour m'instruire...

Je mets en place des pratiques plus spécifiquement concernant le tennis. Par exemple, lorsque nous avons trop d' informations à assimiler, on choisit trois cadres à respecter et on se concentre dessus. Au lieu de les changer à la fin du set, on les garde mais on essaye de les améliorer via différentes techniques comme la respiration.

Je fais aussi de la méditation tous les jours. Une fois qu'on se connaît, on sait sur quoi travailler. Par exemple, je sais que la montagne est un endroit qui m'apaise et je peux construire là-dessus.

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Lola : J'ai intégré l'aspect mental il n'y a pas si longtemps, il y a deux ans en fait. Je suis suivie par quelqu'un au Creps de Toulouse. Même quand j'ai besoin d'aide à l'étranger, je peux compter sur elle pour répondre aux interrogations, me rassurer en cas de doutes. Au-delà de l'aspect technique et tactique, c'est un appui supplémentaire.

Ksénia : Ça fait quelque temps qu'on parle de plus en plus du tennis-fauteuil . Cette année, c'est spécial : il y a énormément d'engouement autour des JO et des Paralympiques. En plus, Yannick Noah est devenu capitaine des équipes de France, on vient de passer deux jours avec lui au CNE. Donc il y a toujours plus de soutien et de médiatisation !

Je me considère très chanceuse, car je sais que ce n'était pas comme ça avant, qu'il n'y avait pas autant de sponsors, de personnes qui parlaient de nous ou la possibilité de jouer les quatre Grand Chelem. Aujourd'hui, je me vois comme une sportive de haut niveau avec des sponsors, des marques mondialement connues, des contrats. Je sais que j'ai un profil intéressant car je suis jeune, mais je fais "seulement" du tennis-fauteuil ! Donc je suis très reconnaissante. 

Lola : Le beach tennis n'est pas très médiatisé en France, donc c'est difficile de répondre à cette question me concernant. Mais je ne trouve pas... Peut-être qu'au fur et à mesure de ma progression, je m'apercevrais de certaines choses.

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Ksénia : Le tennis-fauteuil est une discipline qui a été connue plus tard que d'autres sports, il y a donc un certain équilibre entre les hommes et les femmes. En fait, ça a toujours été une discipline moderne, dans tous les sens du terme. Je fais partie de la Team Jeunes Talents, c'est un mécénat, et il y autant de filles que de garçons.

Je ne ressens pas du tout de différences entre les hommes et les femmes, on est autant valorisés. Ça va dans une bonne direction, on a de belles opportunités. C'est cool ! (Recueilli par E.B.)