Quatre conseils pour (bien) jouer en match au lendemain d'une 'grosse' soirée

15 décembre 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseil aux compétiteurs", nous abordons une problématique qui peut toucher le tennis amateur : le match au lendemain (matin !) d'une grosse soirée. C'est faisable, et la victoire est même possible, en respectant certains principes…

Qui n'a jamais vécu ce dilemme absolu : choisir entre se lâcher lors d'une soirée "inratable" le samedi soir et être en forme pour un match par équipes prévu le dimanche matin à 9h. Le fameux dialogue entre l'ange et le démon, dialogue au bout duquel le démon, soyons honnête, finit souvent par avoir le dernier mot… quitte à le regretter amèrement le lendemain.

Après la problématique du "match après le boulot" abordée lors de notre précédente chronique, voici donc un autre grand classique (bien que le mot soit peut-être fort) du tennis amateur : le match au lendemain d'une grosse soirée, a fortiori un peu (pas trop quand même !) arrosée.

On a tous payé un jour pour l'apprendre : faire la fête la veille d'un match n'est jamais une bonne idée. Mais il existe des techniques pour éponger au mieux les effets d'une petite nuit et rester malgré tout (relativement) performant. Nous en avons parlé avec François Duforez, médecin du sport et du sommeil, par ailleurs lui-même joueur au TS Maisons-Laffitte, club avec lequel il a disputé les Championnats de France par équipes de 1ère Division dans les années 80.

1/ Stocker du sommeil autant que possible

Ce n'est pas un scoop : le manque de sommeil, et surtout le manque de sommeil lent profond qui est le plus réparateur pour l'immunité et les tissus musculaires, est préjudiciable à la performance sportive. Et au-delà de l'aspect physique – il a d'ailleurs été prouvé scientifiquement que la dette de sommeil augmentait le risque de blessure –, "c'est la partie neurologique qui est la plus impactée. Les temps de réaction sont plus longs, l'humeur se modifie, la concentration baisse… Au final, on est beaucoup moins lucide, sur le plan tactique notamment", détaille François Duforez.

Bonne nouvelle toutefois pour les noctambules : le manque de sommeil n'est pas préjudiciable s'il est ponctuel et à court terme, c'est-à-dire sur un cycle de 24 heures environ. Raison pour laquelle on a coutume de dire que la nuit la plus importante est surtout celle qui a lieu deux jours avant le match, plutôt que celle de la veille.

Plus largement, vous pouvez faire comme Charlie Dalin, vainqueur du dernier Vendée Globe, l'un des navigateurs avec lesquels François Duforez collabore via l'European Sleep Center, qu'il a fondé à Paris : "Stocker du sommeil en dormant un maximum les jours d'avant et en procédant à des siestes, même courtes et même juste en fermant les yeux, environ six heures après l'heure du lever."

Si vous avez pu anticiper la soirée en rechargeant bien vos batteries au préalable, une toute petite nuit ne devrait pas (trop) avoir de conséquence sur votre prestation.

© Johan Sonnet / FFT

2/ Réveil neuro-musculaire, petit-dej' protéiné et "café-sieste"

On l'a tous fait, ça aussi : essayer de "gratter" du temps de sommeil au lendemain d'une soirée en décalant le réveil le plus possible, quitte à passer du lit au terrain presque sans transition, la trace de l'oreiller encore tatouée sur la joue. Ça peut être drôle éventuellement (pour les autres), mais ça n'est guère efficace.

"Même si l'on s'est couché tard, il vaut mieux se lever au moins une à deux heures avant le match car il y a un échauffement neuro-musculaire à respecter, surtout vu le risque accru de blessure, rectifie le Dr Duforez, qui a été classé -2/6 à son meilleur. Je parle en connaissance de cause puisque cela m'est arrivé une fois, en ma faveur : mon adversaire s'était claqué sur le premier point du match !"

Pour vous aider à émerger, un petit-déjeuner protéiné (œuf, jambon, fromage blanc, etc.) peut s'avérer être une bonne idée. Pourquoi ? Parce que "la noradrénaline, l'hormone neurotransmetteur de la vigilance, est construite à partir d'un acide aminé appelé la tyrosine qui est contenue dans les protides", explique celui qui a notamment joué contre Yannick Noah et Guy Forget dans son enfance.

Et puis, bien sûr, il y a l'inévitable café, un psychostimulant dont les bienfaits ne sont plus à prouver. Et mieux encore : le "café-sieste", qui consiste à avaler son petit noir puis enchaîner sur une micro-sieste de quelques minutes, le temps que la caféine produise son effet sur l'organisme.

"Le "café-sieste" permet d'avoir l'effet réparateur de la sieste, sur la vigilance notamment, mais pas l'inconvénient d'un temps d'endormissement trop long, car le café va venir rapidement vous réveiller, précise François Duforez. C'est une technique répandue à l'armée et les gens sont souvent surpris par son efficacité."

À tester, et à valider, au lendemain de l'EVJG de votre beau-frère.

© Amélie Laurin / FFT

3/ Hydratez-vous au maximum pour "tamponner" les effets des 'abus'

Une fois réglée la question du sommeil, reste un écueil de taille… Qui dit soirée dit, bien souvent, alcool. Lequel, même à petite dose, a des conséquences fâcheuses – voire désastreuses – sur la qualité du sommeil et sur la performance physique. Double punition, en quelque sorte.

"L'alcool est un faux-ami du sommeil : il endort mais il induit des micro-réveils, et il a un effet myorelaxant qui déclenche des ronflements avec parfois une saturation en oxygène au niveau cérébral, détaille celui qui a aussi beaucoup travaillé dans le milieu de la Formule 1. Il a donc des conséquences importantes sur la qualité du sommeil, donc sur la récupération. Et puis, l'un des plus gros effets pervers de l'alcool, c'est qu'il entraîne une déshydratation, qui est extrêmement néfaste non seulement sur le plan physique, mais aussi mental."

Le conseil est valable tout le temps, mais particulièrement en cas de "fiesta" : il faut boire énormément (de l'eau !), avant, pendant et après celle-ci. Car au-delà des remèdes de grand-mère, comme l'huile d'olive ou le jus de citron, auxquels on prête des vertus d'accélération de dilution du taux de l'alcool, il faut surtout lutter corps et âme contre les méfaits de la déshydratation. Au cours de votre soirée, gardez suffisamment de lucidité pour ne jamais vous séparer de votre bouteille d'eau. Votre foie, vos jambes… et vos coéquipiers vous en seront reconnaissants.

© Tomas Stevens / FFT

4/ Dites-vous que la fête peut avoir ses vertus !

Redisons-le : on ne conseille à personne de faire une grosse soirée à la veille d'un match. Et pourtant, on l'a tous eu, ce coéquipier fêtard dans l'âme – on en voit certains détourner le regard… – débarquer le dimanche matin l'œil vitreux, la démarche chaloupée, et malgré tout être capable de bien jouer. Légende urbaine ?

"Pas du tout, je me souviens moi-même d'un joueur qui avait perfé à -2/6 après s'être couché à 6h30 du matin, témoigne François Duforez. En fait, il existe des gens fortement impactés par l'anxiété pré-compétitive qui vont davantage se détendre en faisant la fête plutôt qu'en passant la soirée à ruminer leur match. On a même vu des champions jouer régulièrement sous l'effet de l'alcool, comme Art Larsen dans les années 50, qui en avait besoin pour évacuer des traumatismes de jeunesse."

C'est connu, l'alcool a un effet désinhibant qui peut aider à chasser les angoisses. Mais encore une fois, ne nous faites pas dire ce que l'on n'a pas dit : il a surtout un effet destructeur sur la performance physique (et sur la santé, à terme), plus ou moins accentué selon les personnes et, peut-être aussi, selon les styles de jeu. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut changer sa tactique au lendemain d'une soirée : quitte à être moins lucide, autant rester sur ses acquis.

Avec un peu de réussite et beaucoup de bon sens, il y a des chances que le match se passe bien. Mais n'oubliez pas que le travail de récupération devra se poursuivre après, surtout si vous rejouez le lendemain ou si une journée de boulot vous attend. On terminera par cette formule facile mais pleine de bon sens : boire ou jouer en compétition, il faut choisir !

(L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.)

© Cédric Lecocq / FFT