Il était une fois Richard Gasquet

E.B.

29 mai 2025

Passé professionnel en 2002 à seulement 15 ans, "Ritchie" aura joué 23 ans au plus haut niveau, avant de jouer le dernier match de sa carrière face à Jannik Sinner, à Roland-Garros 2025. Ces vingt-trois ans de magie pour le tennis français ne se racontent pas facilement en quelques lignes, tant l’empreinte laissée par le prodige de Sérignan est immense.  

Il était une fois Richard, Gabriel, Cyr, Gasquet. Il était une fois… mais il était des vies. De ses débuts "minot" dans son club de Sérignan, près de Béziers, à ses adieux émouvants dans le temple de Roland-Garros, "Ritchie" a connu plus de trente ans de tennis s’étendant sur deux décennies d’une carrière pro exceptionnelle.

Il y a d’abord eu la jeunesse dorée. Si le nom de prodige est souvent galvaudé, ce n’était clairement pas le cas pour le phénomène Gasquet. Fils de Francis et Maryse, tous deux professeurs de tennis à Sérignan, ce jeune garçon fascine dès ses débuts par son talent hors normes.

Avec son père et premier entraîneur, Francis.

Il bat tous les records de précocité et bouleverse les logiques d’âges et de classement : il est 15/4 à 9 ans, 2/6 à 12 ans. Alors que la fameuse couverture de Tennis Magazine le fait entrer très tôt dans le monde médiatique ("Richard G, le champion que la France attend"), il empile les titres de champions de France et internationaux, les récompenses en juniors, individuelles ou par équipes.

© FFT

Sous le maillot de l'équipe de France, deux jeunes Bleus, Richard et Jo-Wilfried, triomphent ensemble. Et s'apprêtent à vivre une carrière extraordinaire.

Prodige national, il devient un phénomène pour la planète tennis dans sa globalité lorsqu’il remporte - avec deux ans d’avance - l’édition 1999 des Petits As. À Tarbes, il défait en quarts de finale un certain "Rafa" Nadal, son aîné de quelques jours.

Des images du match entre Nadal et Gasquet aux Petits As

En 15 avril 2002, le curseur monte soudainement en flèche. Le jeunot 15 ans est sacré champion du monde juniors grâce notamment à des titres à Roland-Garros et l’US Open. Mais surtout, il se dévoile déjà sur le circuit pro : à Monte-Carlo, il bat l’Argentin Franco Squillari, 54e mondial, demi-finaliste à Roland-Garros deux ans auparavant. À ce jour, Richard est toujours le plus jeune joueur à avoir remporté un match en Masters 1000. Au printemps 2004, le Biterrois remporte aussi Roland-Garros en double mixte avec Tatiana Golovin.

© FFT

En finale de Roland-Garros mixte, Richard et Tatiana dominent la paire zimbabwéenne Cara et Wayne Black (6/3, 6/4).

Le revers et les médailles

En 2005, toujours sur le Rocher de Monte-Carlo, il s’offre une victoire mythique face à celui qui est devenu l’incontestable patron du circuit : Roger Federer. La balle de match, un passing de revers du bout du monde, est elle aussi entrée dans la légende. Ce fameux revers à une main, sa marque de fabrique, émerveillera – et émerveille toujours- des millions de fans à travers le monde. Aux côtés des voisins suisses Federer et Wawrinka, le revers de Gasquet a probablement été le plus marquant des années 2000/2010. Une gestuelle épurée et une technique extraordinaire qui lui permet de varier les angles et les trajectoires avec une qualité sans égale.

Après cette victoire sur sa Majesté Federer, Richard Gasquet devient alors membre du top 100... qu’il ne quittera plus pendant 956 semaines. Le Biterrois entame alors la 2e partie de sa carrière. En l’espace de 20 ans, il gagne 16 titres ATP (pour 17 finales perdues, dont trois en Masters 1000, à Hambourg et par deux fois à Toronto). Mais c’est pourtant deux autres trophées, en dehors du circuit ATP, qui restent les plus importants à ses yeux : la médaille de bronze aux JO de Londres en 2012, associé à Julien Benneteau, et la victoire en Coupe Davis 2017. Gasquet remplit sa part du contrat lors du sacre en finale, en remportant le point du double avec Pierre-Hugues Herbert, le match le plus « stressant » de sa carrière, avouera-t-il bien plus tard.

© FFT / Sindy Thomas

Le drapeau français flotte au dessus du gazon de Wimbledon pour la médaille de bronze du duo Benneteau / Gasquet.

© FFT

Richard participe à un des grands moments du tennis français : la victoire en Coupe Davis 2017.

En Grand Chelem, Richard aura atteint la deuxième semaine de chaque Majeur. Quatre huitièmes de finale à Melbourne, un quart de finale à Roland-Garros en 2016, un dernier carré à l’US Open en 2013, et bien sûr deux demies à Wimbledon (2007 et 2015), le Grand Chelem qui lui a le plus souri. Trois demi-finales qui se sont soldées par trois défaites loin d’être honteuses, face au trois "monstres" du tennis moderne : Federer en 2007, Nadal en 2013, Djokovic en 2015.

© FFT / Corinne Dubreuil

Lors de sa dernière demi-finale en Grand Chelem, le Biterrois avait dû s'incliner face à l'homme aux 24 couronnes en Majeurs : Novak Djokovic.

Pour toujours dans le cœur des fans

Sur la fin de carrière, Richard s’est offert quelques jolis coups d’éclats, ponctué notamment d’une parenthèse enchantée lors de son titre à Auckland et d’un tout dernier trophée, "à domicile", au Challenger de Cassis. Jusqu’au bout, le Français a régalé les foules avec la beauté de son jeu. Mais depuis quelques mois, le physique ne suivait plus pour concurrencer les tout meilleurs sur un circuit hyper concurrentiel. Combattant dans l’âme, Gasquet n’avait plus les armes ni surtout les jambes pour espérer rivaliser avec la jeune génération.

Sa retraite, le Français ne la vit pas comme « une petite mort », mais comme la conclusion d’une grande aventure. "Ce n’est pas un crève-cœur, avait-il déclaré à l'Équipe au moment de l’annonce. J’ai tellement joué, tellement de matchs… J’ai commencé le tennis à 3 ans, ça fera 36 ans d’entraînement, tous les jours ! Je ne peux pas donner plus, tout simplement, je ne peux pas aller plus loin". Immense fan de son sport, le Biterrois va quitter le circuit pro mais restera très probablement dans le monde de la balle jaune.

Au final, que restera-t-il de l’épopée Gasquet ? En plus de vingt ans de carrière, le gamin de Sérignan aura fait rêver des générations de Français et de nombreux très jeunes joueurs parlent de lui avec admiration. Son revers, tout comme son accent ou sa façon si particulière de serrer le poing, ou même son aisance et refaire son grip au changement de côté, sont devenus iconiques.
Alors non, "Richie" n’aura pas réussi à succéder à Yannick Noah à Roland-Garros et n’a peut-être pas été le fameux champion que la France attendait, en tout cas selon Tennis Mag'. Mais il a gagné le cœur de tous les amoureux du tennis en France, et même dans le monde entier. Et ça vaut sans doute tous les trophées du monde.

© FFT / Corinne Dubreuil