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Comment optimiser une prise ultra-fermée en coup droit

Dans ce nouvel épisode des "conseils aux compétiteurs", Marion Bartoli nous explique comment gérer une prise ultra-fermée de coup droit, remise au goût du jour (notamment) par Iga Swiatek.
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Ce n'est pas forcément une prise qui s'enseigne dans les écoles de tennis. Née avec le tennis moderne et popularisée par une vague de conquistadors espagnols des années 90 (souvenez-vous notamment d'Alberto Berasategui, finaliste à Roland-Garros en 1994…), la prise "ultra-fermée" de coup droit - dite aussi prise "western" - était un peu passée de mode ces dernières années, sans jamais disparaître vraiment. Et puis, elle est réapparue sur le devant de la scène dans le sillage d'Iga Swiatek, qui a gagné trois fois à Paris en s'appuyant grandement sur cette prise extrême qui confère à son coup droit une capacité de lift d'une efficacité toujours aussi redoutable sur terre battue.

D'abord, qu'est-ce qu'une prise ultra-fermée en coup droit, et comment l'ajuster ?

Avec une prise "neutre", lorsque vous tirez votre bras en arrière pour armer votre coup droit, le tamis de votre raquette sera parallèle au filet. Plus vous fermez votre prise, plus il sera orienté vers le sol, jusqu'à être parallèle (ou quasiment) au sol lorsque la prise est ultra-fermée.

"Dans le cas d'Iga Swiatek, on est dans une prise vraiment extrême : elle a la main complètement sous le grip", indique Marion Bartoli, qui donne un petit "truc" pour repérer comment prendre une telle prise : "Le plus simple, c'est de mettre la raquette à la verticale devant soi et de venir, avec le V de la main, saisir le manche sur le côté."

Essayez, ça peut faire bizarre. Et vous comprendrez mieux ce qui suit.

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1/ Renforcez le poignet et l'avant-bras

Attention, alerte rouge : la prise ultra-fermée est surtout ultra-exigeante pour le poignet et l'avant-bras. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle est essentiellement réservée à une élite, et certainement pas enseignée aux enfants. Mais à tous les joueurs amateurs qui ont la volonté de fermer leur prise, Marion Bartoli ne saurait trop conseiller ceci : "Il faut faire un travail physique spécifique, beaucoup d'étirements et de renforcement au niveau du poignet mais aussi de l'avant-bras. Pour être très claire, quelqu'un qui essaie de jouer comme ça sans avoir la capacité musculaire adéquate se massacrera le poignet en deux heures."   

Sur le plan mécanique, il y a un effet un "cassé" du poignet nécessaire à la frappe pour que le tamis se retrouve face à la balle au moment de l'impact. Il faut alors que le poignet résiste au choc tout en produisant l'accélération nécessaire pour lifter la balle. "Pour cela, il faut beaucoup de force mais aussi une flexibilité tendineuse particulière qui n'est vraiment pas donnée à tout le monde", poursuit Marion.
La bonne nouvelle est que cette qualité se travaille. Mais elle ne doit surtout pas être négligée.

De la force musculaire, Rafael Nadal n'en manque pas !
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2/ Sur le plan tactique, jouez avec des angles et de la hauteur

Principaux avantages de la prise ultra-fermée de coup droit : une capacité à générer énormément de spin - grâce justement au travail du poignet – tout en assurant beaucoup de sécurité à la frappe, le tamis orienté vers le sol permettant de se préserver de la plupart des fautes en longueur. Désavantages : un manque de puissance, ou plus exactement de vitesse, l'énergie imprimée à la balle étant autant verticale qu'horizontale.

En conséquence, il est plus difficile d'inscrire des points gagnants avec une prise extrême qui est plus adaptée pour, en quelque sorte, harceler l'adversaire : "On voit bien la manière dont Iga se sert de son coup droit, notamment sur terre battue : elle repousse ses adversaires, elle trouve des angles et petit à petit, elle parvient ainsi à s'ouvrir le court", fait observer la championne de Wimbledon 2013.

Ce travail de sape est particulièrement redoutable sur terre battue, la surface sur laquelle le lift est le plus efficace, donc d'une manière générale le jeu d'angles et de hauteur. La violence du spin magnifiée par la surface ocre peut alors devenir un enfer pour vos adversaires. Sur d'autres surfaces, on va le voir, c'est un peu différent.

Comme Karen Khachanov, faites un travail de sape sur terre battue en jouant avec les angles et la hauteur.
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3/ Envisagez des adaptations sur des surfaces plus rapides

Plus la surface est rapide, plus la tactique consistant à travailler l'adversaire au corps avec un coup droit "hyper" lifté est compliquée à mettre en place. Deux raisons à cela : le lift prend moins que sur terre battue et en plus de cela, la prise extrême nécessite d'avoir du temps, "parce qu'il faut aller très vite pour faire revenir le plan de frappe en bonne position au moment de la frappe", comme l'explique Marion Bartoli.

C'est sans nul doute la raison pour laquelle les joueurs et les joueuses dotées d'une prise extrême de coup droit ont plus de mal à Wimbledon qu'à Roland-Garros. Outre Iga Swiatek, on pourrait aussi citer, toujours chez les filles, l'exemple d'une Marketa Vondrousova, finaliste à Roland-Garros en 2019 avec une prise très fermée, mais qui a gagné un match dans sa vie à Wimbledon. Heureusement, tout cela n'est pas rédhibitoire. Mais il faut savoir s'adapter.

"Un joueur comme Rafael Nadal, qui n'a pourtant pas une prise fermée comme Iga Swiatek, change tout de même de prise entre la terre battue et le gazon, nous éclaire l'ancienne n°1 française. Il n'a pas la même façon de frapper. A Wimbledon, on le voit préparer moins loin derrière, traverser beaucoup plus la balle et finir plus souvent avec une fin de geste "normale". Cela va être intéressant de voir comment Iga Swiatek va s'adapter elle aussi."

Evidemment, le gazon n'existe (quasiment) pas dans les compétitions amateurs. Mais une bonne vieille salle au parquet ultra-poncé, c'est du pareil au même, voire pire. Une adaptation technico-tactique y est nécessaire, dans la prise comme dans l'intention de jeu, sachant que l'un et l'autre sont souvent liés.

Marketa Vondrousova est plus à l'aise sur terre battue que sur gazon avec sa prise extrême...
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4/ Construisez-vous un jeu de jambes adéquat

On l'a dit, la prise extrême de coup droit nécessite du temps, donc d'aller extrêmement vite, non seulement au niveau du poignet mais aussi des jambes. Et comme c'est aussi une prise conçue pour travailler à l'échange, il est inconcevable de ne pas disposer d'un jeu de jambes adéquat.

Pour Marion Bartoli, au-delà du jeu, c'est d'ailleurs peut-être ce domaine qui est le plus impressionnant chez Iga Swiatek : "Sa vitesse de jeu de jambes, son application sur les petits pas et la précision de ses ajustements, c'est phénoménal. De tout le circuit féminin, c'est elle qui bouge le mieux et le plus longtemps. Au-delà de ça, ses angles de flexion ou ses impulsions à la frappe sont également impressionnants. C'est sa rapidité qui lui permet d'être toujours bien placée avec son coup droit et donc d'être capable de remettre du spin."  

Un peu comme la poule et l'œuf, difficile de savoir si c'est son explosivité qui a permis à Swiatek de développer cette prise extrême de coup droit, ou si c'est cette prise extrême qui l'a obligée à travailler plus que quiconque son explosivité. Seule certitude : l'une ne va pas sans l'autre. Ce n'est pas non plus l'exemple espagnol qui pourrait venir contredire ce point.

(Rémi Bourrières)

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