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Le match de ma vie (12) : Florian Caudron

Nouvel épisode : Florian Caudron, joueur venu d'Arras, parvenu à maintenir son classement grâce à une victoire venue de nulle part suivie de la plus belle "perf" de sa vie.
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Une ''perf'' énorme ? Un match qui dure 7 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...). Douzième épisode : Florian Caudron.

Identité : Florian Caudron
Club : Racing Club d’Arras Tennis
Meilleur classement tennis : 5/6 (classement actuel : 5/6)
Année de naissance : 1995

"S’il n’avait pas serré le poing en me fixant à 6/2 5-2 pour lui, il aurait gagné !"

Quand et où a eu lieu le match de votre vie ?

En septembre 2014, lors d’un tournoi de la région lilloise. C’était une période où je revenais de pas mal de galères, notamment une blessure poignet. Mais j’ai réussi à composer avec ça pour jouer mon tournoi le plus marquant.

Une blessure au poignet ? Vous êtes le Juan Martin Del Potro du Nord ?

Oui, au niveau amateur ! Cette année-là, je n’ai pu jouer que quelques tournois par-ci, par-là, quand mon poignet me laissait tranquille. J’arrivais tout de même à me maintenir à 15 en ne disputant que quelques matchs par an. Mais cette année-là, j’étais sur le point de descendre 15/1. Ce tournoi était le dernier de ma saison, quelques jours plus tard devait apparaitre le nouveau classement et j’étais certain de descendre. Depuis que je jouais au tennis, je n’avais jamais chuté au classement ! Je me disais alors que j’essaierai de remonter la pente après mes études.

Il vous manquait combien de points pour vous maintenir ?

Environ 120 points. Il me fallait une grosse perf. Mais encore une fois, à ce moment-là, je n’avais vraiment pas le mental pour ça.

Et pourtant le tournoi s’est bien passé...

Pour mon entrée en lice, je me suis retrouvé face à un 15/5 de 10 ou 15 ans de plus que moi et qui faisait service-volée. Moi je suis un attaquant du fond du court qui aime varier. Mais cet ancien 5/6 m’a d’abord largement dominé en menant 6/2 5-2. Quand il s’est mis à servir pour le match, je me suis demandé ce qui m’avait poussé à m’inscrire car je n’ai pas aimé me retrouver dans cette situation !

Florian caudron, un passionné de la balle
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Comment s’est produit le déclic ?

À 6/2 5-2 et 30-15 pour lui, je fais une faute grossière et je le vois alors serrer le poing en me fixant et en criant "come on". Je pense qu’il me provoquait un peu et je ne comprenais pas pourquoi il faisait ça car le match semblait plié. Ça m’a piqué dans mon orgueil. J’ai eu envie de revenir dans la partie et pour ça j’ai changé de stratégie.

Je me suis mis plus loin derrière la ligne de fond pour retourner son service, ce que je n’avais pas fait jusqu’à présent. J’ai pris la balle plus tard et je lui ai sorti quatre retours de suite dans les pieds pour prendre son service ! Je pense que s’il n’avait pas serré le point, le match aurait été pour lui. Ça a tout changé.

La suite du match a-t-elle été serrée ?

Pas du tout. J’ai gagné 2/6 7/5 6/0. Il n’a plus gagné un seul jeu. Je me souviens qu’au début du troisième set, je suis allé aux toilettes. Ma maman, qui m’accompagnait ce jour-là, m’a alors informé du classement de mon adversaire, que j’ignorais en commençant la partie. Elle m’a dit : "accroche-toi, il est 15/5 !". Je pense que ça m’a motivé davantage.

Cette victoire vous a rapproché du maintien...  

Pas vraiment en fait, car elle ne m’apportait pas de point... J’ai rejoué dès le lendemain, cette fois devant mon père. Il vit à fond mes matchs et j’avais peur pour son cœur car ce fut encore dingue ! C’est curieux, mais après avoir joué un 15/5, j’ai joué directement un 3/6 qui venait de faire une grosse saison : il avait commencé à 5/6 et jouait ce tournoi pour tenter de la finir à 2/6. Comme je n’avais encore jamais battu de joueurs mieux classés que 5/6, j’avoue que je n’y croyais pas trop...

Comment allait votre poignet ?

Plutôt bien, malgré l’enchaînement. Avec ce genre de pathologie inflammatoire, quand on joue beaucoup, paradoxalement, ça calme parfois la douleur. Je suis kiné, à l’époque étudiant, mais je sais donc comment limiter les dégâts. En tout cas, poignet en vrac ou pas, mon deuxième adversaire jouait très bien. En pratiquant pratiquement mon meilleur tennis, j’ai perdu le premier set 6/3. Je me souviens qu’à la fin du premier set, j’avais le sentiment d’avoir fait une très bonne manche. Mais au début du deuxième, j’ai enfin réussi à lui prendre son service et j’ai conservé ce break jusqu’au bout. 6/4 pour moi, un set partout. C’était alors seulement la deuxième fois de ma vie que je prenais un set à ce niveau.

Ensuite, le troisième set a été fou. J’ai sauvé cinq balles de match, une à 5-4, une à 6-5, et trois dans le tie-break. J’étais constamment sur la sellette, à chaque jeu de service j’étais en danger. Lui, en revanche, gagnait ses jeux de service tranquillement. Mais je suis parvenu à m’en sortir au jeu décisif, que j’ai remporté 10-8. Pour résumer : un jour après avoir évité de justesse la pire contre-performance de ma vie, j’ai signé ma meilleure perf, et le tout avec un poignet récalcitrant et un manque total de repères.

Florian, un joueur toute surface !
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Votre père a apprécié ?

Il a perdu 8 kilos (rires). Je jouais contre un gars du club, donc l’ambiance était sympa. À la fin, tout le monde riait, car le match ne voulait pas se terminer... Mais après avoir écarté cinq balles de match, ma première occasion fut la bonne : à 9-8 pour moi dans le tie-break, c’était à lui de servir et il a fait sa seule double faute du match. Quand j’ai réalisé que j’avais gagné, j’ai regardé mon père, incrédule, en haussant les épaules, comme si je me demandais comment j’avais pu faire ça !

Et en gagnant ces deux rencontres en sauvant un total de 7 balles de match, vous aviez donc les points pour vous maintenir ?

Je me suis en effet maintenu 15 cette année-là. Mais le lendemain, pour mon troisième match, j’ai abandonné après avoir perdu le premier set 6/1. J’étais trop fatigué.

Avez-vous vécu d’autres grands moments sur un tournoi ?

J’ai un souvenir particulier d’un tournoi disputé en 2018 à la Réunion, à Saint-Louis, où j’ai passé quatre mois. J’étais 15/2 et je voulais m’offrir le plaisir de jouer un match à 10.000 km de chez moi. J’étais convoqué à 18h pour mon premier match, mais sur mon chemin, en voiture, j’apprends que ma copine est à l’hôpital. Je fais demi-tour, et vers 18h05, à un feu rouge, j’ai appelé le juge-arbitre pour m’excuser. Quelques instants plus tard, mon adversaire, que je ne connaissais pas, m’a appelé pour avoir des nouvelles et me dire que l’on pouvait reporter le match sans soucis, bien qu’il avait 30 minutes de route pour aller au club. J’étais très étonné !

Nous avons finalement joué le lendemain et j’ai gagné en deux sets. Mon adversaire a insisté pour me payer un verre après le match, "à la santé de ma copine", qui allait déjà mieux ! Durant ce séjour, j’ai aussi gagné un tournoi limité à 15. Ce séjour m’a fait beaucoup de bien physiquement.

À quel classement êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis 5/6, pas très loin d’être à 4/6.

Quels sont vos joueurs préférés ?

Roger Federer ! J’aime aussi les joueurs de la nouvelle génération, en particulier Felix Auger Aliassime. J’essaie de venir tous les ans à Roland-Garros. Cette année, je viendrai également à Bercy. Mais mon but est de travailler en tant que kiné sur quelques tournois français. Je viens d’être diplômé kiné du sport début juillet. Je viens de refaire mon CV...


(Recueilli par Julien Pichené)

Florian a quelques jolis souvenirs de matchs mais aussi un trophée ramené de la Réunion !
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