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Partage d’expérience - Albert Singer, la passion du “tennis social”

Enseignant de tennis pendant plus de trente ans, Albert Singer dirige le secteur développement de Fête le Mur, l’association créée en 1996 par Yannick Noah. Une structure dont il loue les valeurs d’éducation et d’insertion par le sport.
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« Nous avons avant tout besoin d’un bon animateur, car nous emmenons le tennis là où il n’existe pratiquement pas, vers un public qui en est très éloigné », décrypte Albert Singer, à la tête du développement de Fête le Mur, se référant ainsi aux quartiers prioritaires, où il existe aujourd’hui pas moins de 72 implantations de l’association. 
« À l’origine, c’est le plus souvent un club FFT situé dans une commune où il existe un quartier prioritaire qui sollicite Fête le Mur pour mener une action conjointe, développe-t-il. Avec une règle de base : qu’elle se déroule au sein du quartier, terrain de tennis ou pas, avec les espaces existants. »
À terme, les jeunes qui accrochent bénéficieront de créneaux horaires au club. Une passerelle qui les amènera peut-être à jouer régulièrement. D’ailleurs, chaque jeune de Fête le Mur bénéficie de la licence, dans le cadre d’une convention signée avec la FFT. 
Aujourd’hui, 47 clubs FFT portent des projets estampillés Fête le Mur. L’association travaille avec les enseignants ou éducateurs locaux, sans distinction de diplôme (DE, CQP ET, BP JEPS).
« Dans notre philosophie, ils accueillent, orientent et animent. Nous les formons, au préalable, pendant une journée, à la pédagogie de Fête le mur qui est le plaisir immédiat. En effet, il faut mettre le jeune dans une situation qui va lui permettre d’être tout de suite en réussite. Sinon, il s’en va, car il n’a pas choisi cette activité et peut partir à tout instant si cela ne lui plaît pas. En moyenne, après trois ou quatre échanges, s’il n’y arrive pas, il nous quitte », explique Albert Singer. 
Le matériel est adapté à cette accroche immédiate. Ballons de toutes les couleurs, balles en mousse ou plus lourdes, etc. Objectif : faciliter l’échange, que ce soit par un ballon roulé, une balle au-dessus d’un ruban ou même d’un filet s’il y en a un. Et, en fonction de la réussite à ce préambule, basculer vers un atelier plus simple ou plus complexe. 
« Dans un premier temps, il n’y a aucun apprentissage technique. Plus tard, avec ceux qui, peut-être, emprunteront la passerelle vers le club local et une pratique plus régulière, nous y viendrons », précise Albert Singer.
Les jeunes jouent au minimum une fois par semaine. Et, dans le cadre des programmes Fête le Mur, ils ont également la possibilité de participer à des sorties sportives ou culturelles. Ils peuvent également suivre des ateliers pour découvrir les règles du jeu ou de l’arbitrage, s’initier au ramassage de balle... 
« Notre objectif est de les fidéliser le plus possible, de les faire progresser et les accompagner à travers nos dix programmes d’éducation et d’insertion professionnelle, notamment “Jeu, Set et Job”. Cela va donc du scolaire et l’universitaire à la formation et à l’emploi. C’est du tennis contre l’exclusion… », analyse Albert Singer. 


44 % de filles
Jusqu’en 2012, Albert Singer a lui-même été enseignant. Mais à l’époque, il veut « voir autre chose », perturbé, en plus, par quelques pépins physiques. Il reprend ainsi ses études et obtient finalement une licence en Gestion, développement et organisation des services des sports et loisirs à Gap (Hautes-Alpes). Il travaille alors pour le département sur la mise en place du plan Sport et handicap et monte, bénévolement, un site Fête le Mur… Le tout en étant président, bénévole une fois encore, d’un petit club de tennis.
Son travail est repéré par la directrice de l’association, Séverine Thieffry. En 2017, elle le contacte pour lui proposer de devenir directeur du développement au niveau national, et travailler ainsi au développement de nouveaux sites. 

Aujourd’hui, l’accueil réservé au tennis dans les quartiers est plutôt bon. « Pourtant, ces jeunes voient le tennis comme étant un sport qui ne leur est pas accessible, pour de nombreuses raisons. Ils jouent tous au foot, surtout les garçons. C’est toute la difficulté et l’intérêt de la mission. Mais l’action est toujours faite au pied des immeubles, avec les acteurs locaux. Du coup, nous touchons aussi les jeunes filles. D’ailleurs, nous sommes à 44 % de filles sur l'ensemble de nos 72 implantations, ce qui est très important », insiste Albert Singer.
Active depuis 1996, Fête le Mur est soutenue par la FFT, le ministère des Sports, le ministère de la Ville ainsi que des partenaires privés. Yannick Noah en est toujours un président très impliqué, systématiquement présent aux ouvertures de nouveaux sites et actif sur de nombreuses actions tout au long de l’année. 


Aujourd’hui, et c’est l’une des fiertés d’Albert Singer, d’anciens jeunes qui ont découvert le tennis par le biais de l’association sont devenus encadrants. Ils ont obtenu leur certificat de qualification professionnelle d’éducateur tennis (CQP ET) ou leur DE. D’autres sont même devenus arbitres ou juges de ligne à Roland-Garros.  
Et Albert Singer de conclure, tout sourire : « J’ai en tête l’exemple d’une jeune fille que nous avons accompagnée en université américaine et qui est désormais classée 0. »


Fabrice David